J’avais la chance d’avoir à ma disposition un de ces beaux figatelli de porc noir fermier Nustrale préparés par la charcuterie Mannei à Bocognano.
Je me suis pris à rêver de braises rougeoyantes au fond d’une cheminée, d’un gril laissant s’écouler des graisses parfumées venant imbiber une épaisse tranche de pain fleurant bon le levain.
Mais de cheminée, ici, j’n’en ai point. Alors il va me falloir imaginer un plan B. Je vais passer au simulacre. Et, tant qu’à faire, remplacer aussi le pain par un autre produit. Ça tombe bien, j’ai dans mes réserves un sac d’excellente polenta traditionnelle, produite à la meule en pierre à partir de variétés anciennes de maïs.
Oui, je sais, une polenta de châtaigne eut été plus appropriée. Mais de polenta de châtaigne, j’n’en ai point non plus. Alors je me contenterai du maïs.
Je me suis pris à rêver de braises rougeoyantes au fond d’une cheminée, d’un chaudron où une mamma triture la polenta armée d’un bâton de noisetier.
Mais de cheminée, ici, j’n’en ai point. Et puis je ne me sens pas le courage de touiller pendant près d’une heure une bouillie de plus en plus ferme qui m’enverra par ses cratères en éruption des projections brûlantes sur ma pauvre main sans défense, voire sur une face vulnérable qu’une vaine moustache ne suffit pas à protéger.
J’ai donc, en conséquence de toutes ces contraintes, mis en place le process suivant :
Je descends du grenier où il était relégué pour chômage technique mon mélangeur à polenta Ferraboli.
Je le branche sur une prise et le pose sur un brûleur de mon fourneau. J’y porte à ébullition 1,5 litre d’eau, éteins le gaz et verse 350 g de polenta que je mélange bien au fouet avant de rallumer et poursuivre la cuisson à feu moyen.
Qu'il est agréable de ne rien faire... |
Puis je me tourne les pouces, me contentant de plonger une petite cuillère inquisitrice au bout de trois quarts d’heure, non ce n’est pas encore assez fondant. Dix minutes plus tard, la polenta est prête, je la verse dans un plat où je la laisse refroidir.
Vue sur le désert de Polenta |
L’heure du repas est arrivée.
J’extrais huit parallélépipèdes de la polenta pour les allonger sur un plat ovale en inox qui lui-même va reposer sur une plaque à pâtisserie perforée en alu. J’enfourne ce montage à l’étage le plus bas du four.
Je pose mon figatellu percé de quelques coups de fourchette sur les barreaux d’une grille en inox qui elle va s’insérer à l‘étage le plus haut du four, à quelques centimètres de la résistance du gril.
Je règle le thermostat à 150 °C, laissant la chaleur pénétrer tant dans les morceaux de polenta que dans le figatellu. Quand cette température est atteinte, je passe à la fonction gril. Je laisse le figatellu sous la résistance rougeoyante pendant trois minutes, la retourne et laisse trois nouvelles minutes avant d’éteindre le four. Je dépose le figatellu sur le plat de polenta que je défourne en transit sur le dessus du fourneau avant d’être apporté sur la table.
Figatellu lové |
La mascarade a fonctionné, la saucisse a déversé sa savoureuse graisse dégoulinante sur la polenta - qui joue quand même bien mal un rôle de pain, car elle n’est pas dotée de la même capacité d’absorption. Je ne lui jetterai cependant pas la meule, car elle se montre particulièrement goûtue et sait affirmer sa présence avec une vigueur dont peu de ses sœurs sont capables. Qui l’eut cru, loin d’être simplement un support à jus roboratif, elle sait attirer mon attention, à moi le carnivore qui ne devrait avoir d’yeux que pour la pièce de charcuterie.
À tel point que je me dois d’attribuer une fonction honorable au reste de polenta que j’ai réservé au frais.
Elle fut pain dans sa première prestation, désormais elle jouera la frite dans le casting de mon prochain plat.
Frite, mais avec quoi ? Non, je ne me lancerai pas dans le traditionnel plat de moules frites. Mais elle se mettra quand même dans la peau de la reine des frites : la frite nordiste.
Eh oui, elle ne fera pas moins que d’entrer en scène au côté d’un pot ‘je vlees à la bière. Disons le tout net, ce n’est pas moi qui l’ai cuisiné. Il sort d’un bocal préparé par la Conserverie Saint-Christophe. Il est néanmoins (ou pour cette raison ?) excellent, et il faut que j’éprouve une grande amitié envers cette polenta pour oser lui confier l’accompagnement d’un tel régal.
Je découpe tant bien que mal des bâtonnets format frites dans ma polenta glacée - plutôt mal, car dieu sait qu’elle se montre fragile, et j’ai commis l’erreur d’utiliser un couteau à la place d’un fil plus efficace pour ce produit. Je les fais tomber dans l’huile bouillante d’une poêle - je n’ai pas osé les plonger dans la graisse de bœuf de la friteuse de peur d’un délitement catastrophique pour le bain…
Fausses vrites |
Quand les frites fantoches sont bien dorées, je les dispose dans les assiettes à côté des tranches de pot ‘je vlees.
Mon trompe-l’œil ne trompera personne, mais il fonctionne quand même gustativement, et c’est le principal.
Salut mon pot 'je vlees |
N’empêche que mes manigances vont probablement m’attirer l’hostilité des Corses, des Italiens et des Ch'tis réunis, ou tout au moins des ricanements
M’en fiche, j’ai bien mangé
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