Aussi piètre navigateur qu’un Christophe Colomb parti pour les Indes et se retrouvant en Amérique, je voguais dans mon placard vers le Royaume de Sarawak à la recherche d’un sachet de poivre quand je me suis heurté à l’île de la Réunion.
En effet il y avait là, oublié depuis son échouage, un sachet de chevaquines que je me suis senti obligé de faire figurer sur la carte (du lendemain).
Chevaquines cernées par le végétal |
Petits poissons séchés qui provoquent l’irritation du Grand Robert qui, en me lisant, voudrait à tout prix que je remplace chevaquine par chevaline. Mon vieux Bob, je sais bien que tu es à cheval sur l’orthographe, mais là tu es à côté de la plaque ! À ta décharge, il aurait mieux valu en ce qui concerne ce produit que je consultasse un Dico Péi…
Le lendemain de cette découverte, je me lance donc dans la préparation de mon rougail chevaquines. Je ne suivrai cependant pas à la lettre la recette figurant sur le sachet.
ROUGAIL CHEVAQUINES
La première opération est de laisser baigner les chevaquines pendant une bonne heure dans une bassine d’eau glacée.
Oublions ces bestioles en trempette.
Je commence par concasser cinq tomates de tailles moyennes, malheureusement achetées chez un maraîcher car le jardin ne fournit plus qu’une petite quantité de tomates cerises…
En revanche ce sont bien trois oignons maison que je peux émincer et mettre à fondre au fond d’une sauteuse en cuivre dans quatre cuillerées d’huile d’olive avant d’y ajouter les tomates et laisser compoter doucement sur une petite flamme.
Pendant ce temps je m’empare de mon mortier en granit et y écrase sur une grosse pincée de gros sel quatre gousses d’ail, un cube de gingembre frais découpé en brunoise, un piment Cabri à la fois fort et parfumé ainsi qu’un piment Martin au rouge éclatant. Je louche vers le pied de piment végétarien, mais hélas sa production est encore bien loin de la maturité… Je transfère la purée obtenue dans la sauteuse, et touille…
Ben oui, j'ai dit que j'avais transféré le contenu ! |
Je n’omets pas d’ajouter une cuillerée de safran péi, un curcuma dont il me reste le fond d’une petite boîte.
La compotée arbore désormais une belle couleur orangée.
Rougail, trois rivets te regardent ! |
Je retourne vers mes chevaquines, elles se sont bien réhydratées, il n’y a plus qu’à les rincer abondamment. En les voyant au fond de la passoire, je comprends néanmoins pourquoi les Chinois surnomment ce produit xiāpí - peau de crevette… ( doctus cum bloggo : Recettes d’une Chinoise - de Margot ZHANG ).
Néanmoins, si l’aspect n’est pas terrible, les fragrances sont bien là. Je presse vigoureusement ces bestioles entre mes mains afin d’évacuer l’excès d’eau pouvant subsister, et je verse dans la sauteuse.
Je laisse mijoter une vingtaine de minutes jusqu’à la texture qui me semble convenable : pâteuse, pas trop desséchée.
Même si je préfère touiller encore de temps à autre pour tester la consistance et vérifier que ça n’attache pas, j’ai largement le temps de cuire le riz d’accompagnement : un basmati bio qui se révèle étonnamment parfumé.
Nous pouvons passer à table, j’apporte la sauteuse de rougail au rouge orangé à côté du plat immaculé de riz.
Fonte, cuivre, inox terre, mer |
Je me sers à la bonne franquette.
Réunion |
C’est très bon, la chevaquine.
Mais ce n’est pas quand même une tuerie. Alors n’insiste pas, Robert…
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