jeudi 16 juillet 2020

Souvenirs d'un en pôtée

CRASH SUR UN PLATEAU AUVERGNAT

Les victimes ont été retrouvées gisant au milieu de pommes de terre et de pousses de livèche.

pôtée, chou, carotte, saucisse cousine, lard salé
Crash en Aveyron


Pour en savoir plus, il a fallu extraire les données enregistrées au sein de la boîte bleue.



Au départ, il n’y avait que des petits lardons bien gras même pas dessalés qui en fondant sur une petite flamme ont entrepris de faire suer un oignon découpé en pétales et quatre mignonnes petites échalotes partagées avant d’accueillir trois gousses d’ail.

pôtée, Aveyron
Ce sont mes échalotes...


Puis sont arrivées les grosses légumes : un chou qui s’était mis en quatre, que dis-je, en huit pour plaire, et deux carottes plutôt dispersées. Pour les honorer, lauriers bien sûr, mais aussi un bouquet d’herbes diverses, allant du thym à l’origan en passant par le romarin. Des poivres, rouge de Kampot, blanc de Penja, sauvage de Madagascar, mais aussi des baies de genièvre diffusaient leurs parfums.

pôté, chou, carotte
Embarquement des grosses légumes


Ce n’est qu’un peu plus tard qu’est entrée l’Aveyronnaise - enfin sa poitrine… Poitrine plate (parfois il arrive qu’elle soit bien roulée, mais ici ce n’est pas le cas) que je m’étais empressé de dessaler avant l’embarquement en la passant à la casserole (en tout bien tout honneur, dans deux litres d’eau frémissante (de plaisir ?)).
Elle aussi s’est mise en quatre.

pôtée, lard salé
Pour une poignée de beau lard


Tout comme la cousine qui est venue la rejoindre.

pôtée, lard salé, saucisse cousine
Je vous présente ma cousine


Je tiens à préciser, pour d’aucuns ou d’aucunes qui ne seraient pas familiers avec la charcuterie aveyronnaise, qu’il ne s’agit pas d’une parente de qui que ce fut, mais d’une saucisse sèche confectionnée avec en plus de la chair de porc du poumon et du cœur. Elle porte ce nom car elle était jadis offerte à titre de reconnaissance au cousin (à la mode de Bretagne ?) venu apporter son aide le jour où l’on tuait le cochon.

Je me prends à imaginer le pendant de cette démarche : une auberge rouge où l’on offrirait au porc qui avait couvert par ses couinements stridents les cris du voyageur trucidé une saucisse cochonne réalisée avec la chair et les abats du malheureux. 




Je suis certain que l’animal ne dédaignerait pas ce cadeau, s’empressant bien au contraire de s’en goinfrer gloutonnement en ponctuant ses empiffrements de grognements béats. Je connais depuis ma petite enfance les mœurs sournoises de ce végétarien de façade qui fait semblant de se satisfaire des platées de patates, maïs, glands ou châtaignes quand on lui met le couvert, mais se précipite sur la première bestiole vulnérable venue - du rat mulot jusqu’à la fermière pour les plus ambitieux - afin de satisfaire ses instincts carnassiers. 
En effet, surgis du temps de ma prime jeunesse, effleurent dans ma mémoire quelques souvenirs du pavillon de banlieue parisienne où vivait la nourrice chargée de me garder pendant que mes parents travaillaient. 
Le premier est celui d’une bagarre entre cette digne (?) femme et son jeune fils (la caillera n’est pas d’apparition récente), prise de becs suivie de gesticulations qui s’étaient terminées par la chute du tuyau d’évacuation de fumée sortant du fourneau. Dieu merci, le vacarme de la tôle roulant sur le carrelage de la cuisine a interrompu l’escalade, m’évitant le traumatisme d’une nounou ensanglantée gisant les bras en croix entre la poubelle et la huche à pain.
Hélas, traumatisme il devait néanmoins avoir, car quelques jours plus tard quand, me baladant dans la petite cour où s’étiolaient quelques salades flétries et un pied de thym rabougri, mon attention fut attirée par les agissements du cochon qui sommeillait, non pas dans mon cœur alors innocent, mais au fond de l’enclos grillagé où il était engraissé - je me demande bien avec quoi… - avant un sacrifice fort bienvenu en ce temps où existaient encore les tickets de rationnement. Ce cochon avait eu aussi l’attention attirée, mais, quant à lui, c’était par les agissements du lapin voisin de prison enfermé dans la cellule voisine. Ce lapin crétin n’avait pas trouvé mieux, à force de grattages frénétiques, que de creuser sous le grillage qui le séparait de son imposant voisin. Erreur tragique, car dans son remake de La Grande Illusion, son tunnel déboucha dans l’enclos fatal sous mes yeux consternés et sous le groin frémissant de Mister Pig. La grosse bête égorgea et éventra la petite et se livra à un festin sanglant. J’entends encore ses rots de satisfaction, mais ça, ce n’est sans doute que le fruit de mon imagination…
L’on comprend mieux que je puisse exorciser cette triste réminiscence en me livrant à des orgies de lard, côtelettes, boudins, saucisses en tous genres, bref toute charcutaille parvenue dans mon enclos. L’antique bête cuniculicide aux yeux cruels est là quand…

Mais il est temps de clore cette parenthèse intime - néanmoins de portée universelle en ce qui concerne les mœurs des porcins et de revenir à l’analyse de la boîte bleue.
La cousine a rejoint ses compagnons, et le voyage au fond de la nuit couverclée va continuer, sans se presser, durant une bonne heure.

Maintenant, ça y est, l’analyse de la boîte bleue est achevée.
Il ne reste plus qu’à en digérer le contenu.

pôtée, saucisse cousine, poitrine salée  plate
Cousine cernée par une trilogie de pommes de terre



PS : c’est bien bon !

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