jeudi 4 octobre 2018

Changement de thon

Le premier thon fut acheté sur mon marché tourangeau. Je me suis laissé tenter par un filet de thon rouge qui trônait à l’étal d’un des poissonniers. Je me suis fait découper deux tranches.
Ces deux steaks de la mer me fournissaient en outre le moyen d’écouler une partie de nos légumes de notre jardin francilien : j’allai concocter une sorte de caponata, pas du tout réglementaire je le concède, car sans céleri et sans olives…
Me voici donc en train d’émonder et épépiner deux petites tomates très mûres après avoir partagé en tranches d’environ ½ cm une grosse aubergine tigrée, taillé en carrés de 2 cm les flans d’un petit poivron noir et découpé en pétales minces deux oignons paille.
Je verse un généreux trait d’huile d’olive au fond de la poêle que je place sur feu moyen avant d’y verser l’oignon parsemé d’une pincée de sel fin. Quand l’oignon a pris une couleur blonde, j’ajoute aubergine et poivron ainsi qu’une feuille de laurier et une branche de thym, puis, cinq minutes plus tard les quartiers de tomate. Quand l’aubergine est cuite, j’ouvre un petit bocal de câpres au vinaigre que je vide dans la poêle. Ah, j’oubliais, il y avait aussi deux piments longs qui avaient bien du mérite : ils avaient grandi tout l’été en orphelins, seuls et abandonnés, sans arrosage, jetant un œil inquiet vers les mauvaises herbes qui les cernaient… Peut-être est-ce de cette adversité qu’ils tiraient leur force ?


caponata
Al Caponata


Je laisse tout ce petit monde continuer à compoter pendant que je me lance dans la cuisson du thon saupoudré de sel fin : un aller-retour dans une poêle barbouillée de quelques gouttes d’huile d’olive.
Je peux commencer le dressage.
Je dépose sur chaque assiette une tranche de thon arrosée du déglaçage de sa poêle de cuisson par une cuillerée de balsamique blanc. Je l’assaisonne de quelques grains de fleur de sel et de poudre de piment d’Espelette. À côté, la caponata fantaisiste que je ravive du jus d’un quart de citron.


thon rouge, caponata
Un thon


Si nous nous sommes régalés des légumes, en revanche le thon s’est révélé fort décevant. Je crains fort qu’il n’ait passé une partie de son existence au congélateur…
En tout cas, rien à voir avec le délice qu’était le thon rouge frais de Sicile que j’avais commandé par Internet en Italie et arrivé deux jours après sous vide entouré de plaques réfrigérantes !

Et encore moins avec la persillée ventrèche de thon rouge provenant du même site.







Le second thon fut acheté sur mon marché poitevin deux jours plus tard. Sur l’étal d’un des poissonniers paradaient une escouade de thons. De petits thons… Enfin plutôt de bonites sarda sarda, en dépit de l’étiquette thon albacore qui les jouxtait. Erreur ou pas ? Car on constate tellement de diversité d’appellation selon les pays et même les régions qu’il serait quasiment nécessaire de se munir d’un manuel d’ichtyologie pour effectuer ses courses – sauf bien sûr si l’on se résigne à penser que de toute façon un thon sera toujours un thon…
Toujours est-il que l’idée de se taper individuellement un thon albacore entier m’a semblé plaisante et que je suis parti bras dessus bras dessous avec mes deux thons, dont j’avais refusé la préparation par la vendeuse, un peu parce que je craignais que le produit soit massacré comme c’est trop souvent le cas, mais surtout parce que j’avais envie de tirer le portrait de ces bonites qui jouaient au thon…


bonite sarda sarda
Sarda sarda



Me voici donc en train d’éviscérer les bêtes, de les débarrasser de leurs nageoires et finalement, à mon grand regret, de les décapiter afin qu’elles tiennent dans mon récipient de cuisson. Moi qui m’étais donné tant de mal pour enlever les branchies et évacuer proprement les tripailles par les ouïes… Je sale mes bonites et glisse une pincée de massalé en leur sein.
Je découpe un oignon rouge en seize suivant ses méridiens, et le mets à fondre dans une sauteuse. Quand il commence à colorer, je les écarte et fais revenir une minute sur chaque face les poissons, que je retire et réserve. Je torréfie dans l’huile bien chaude une bonne cuillerée à soupe de massalé, j’ajoute un petit verre de riz thaï que je fais nacrer.
Je verse trois verres d’eau chaude et complète avec les tranches d’une tomate cornue des Andes.
Elle aussi a bien du mérite : nous l’avons trouvée, rescapée après sa solitude estivale, sa rougeur narguant les végétations sauvages et hostiles. Et tout ça pour finir découpée sans autre forme de procès…
Je coiffe la sauteuse et laisse le riz gonfler à feu moyen. Cinq minutes plus tard, les bonites reviennent, je les étends sur le riz. Encore sept minutes, le riz est cuit, j’enlève le couvercle.
Je laisse encore à feu doux quelques instants, le temps de laisser évaporer le liquide restant.


bonite, massalé
Petits thons


Le dressage sera simple : à côté du poisson, une louchée du riz en massalé…


massalé bonite
Massalé bonite



J’avais une certaine anxiété sur la cuisson du poisson : ne sera-t-il pas tombé en bouillie, surtout du côté en contact avec le riz ?
Mais non tout va bien, les filets sont restés bien fermes et se détachent sans problème.


bonite sarda sarda
Filet très mignon


Et ce plat à l’aspect rustique, même peut-être fort peu avenant pour des yeux chichiteux, saura nous régaler par les parfums qu’il dégage.
Mais oui, je sais, je n’y suis pas pour grand-chose… C’est au massalé venu de la Réunion qu’incombe tout le mérite !

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