Je disposais de tous les ingrédients pour servir cet appétissant breakfast écossais :
Sauf que pour deux, ça faisait un peu trop…
Alors j’ai fractionné le breakfast. Et il est devenu supper !
Jour 1 : Black Pudding + Pork Sausages
Le black pudding à base de sang, de flocons d’avoine et de chapelure, bien parfumé d’épices, d’herbes et d’oignon frit était un régal pour moi.
Les saucisses avec leur importante proportion de chapelure de biscotte étaient plus déroutantes pour un palais français, néanmoins pas désagréables.
J’ai accompagné le tout du contenu d’une boîte de baked beans in tomato sauce, d’ailleurs plus britannique qu’écossaise.
Jour 2 : Lorne Sausage Sliced
Cette saucisse carrée traditionnelle écossaise mélangeant bœuf, agneau et chapelure est fort goûteuse. Poêlées sur une noisette de saindoux, les tranches engendrent de croustillantes réactions de Maillard regorgeant d’arômes. Ce produit doit faire merveille entre deux tranches d’un pain de mie que j’ai regretté de ne pas avoir sous la main…
Jour 3 : Unsmoked Back Bacon Sliced
…un bon bacon que j’aurais peut-être dû laisser cuire encore plus longtemps afin de le rendre très croustillant !
Tout naturellement, des œufs sur le plat s’imposaient…
Jour 4 : Cumberland Ring Sausage + Pork & Herb Sausage
Eh oui, ce jour, assortiment de deux variétés de saucisses, l’une se caractérisant par sa forme en spirale un peu loupée en ce qui concerne mon exemplaire, mais les deux à base de porc avec la présence de la sempiternelle chapelure de biscotte et bien plus parfumées par les épices et les herbes, en particulier de la coriandre, que la simple pork sausage.
Jour 5 : Haggis
Pour terminer en beauté, mon cher haggis, mais cette fois-ci il n’était pas venu en habit de cérémonie.
Sorti de sa vulgaire poche et réchauffé 3 minutes au micro-ondes, il était néanmoins parfait. Et comme de plus je disposais d’un arrivage de panais du jardin, ce légume traité en purée m’a fourni un accompagnement idéal.
Autant dire que ce jour la reine Stuart n’était pas ma cousine !
Cuisine qui ne roule pas à Vegelib. Comment se creuser pour que ses plats ne finissent pas en reliefs....
dimanche 22 mars 2020
mercredi 18 mars 2020
Un gros dormeur
dimanche 15 mars 2020
Orange et fibre
En cuisinant mes endives, j’avais un sentiment de trahison envers la mémoire de Pierre Desproges dont je pleure toujours la disparition prématurée.
En effet n’a-t-il pas écrit que l’endive, en tant que vivante apologie herbacée de la fadeur, est l’ennemie de l’homme qu’elle maintient au rang du quelconque, avec des frénésies mitigées, des rêves éteints sitôt rêvés, et même des pinces à vélo. L’homme qui s’adonne à l’endive est aisément reconnaissable, sa démarche est moyenne, la fièvre n’est pas dans ses yeux, il n’a pas de colère… J’étais d’autant plus amer - alors que l’endive actuelle, elle, ne l’est guère, s’étant débarrassée du peu de caractère qui la sauvait de la médiocrité - que j’ai même éprouvé un certain plaisir en les dégustant.
Fort heureusement, je viens de découvrir un autre texte qui me rassérène.
J’ose espérer que, si c’était moi qui avais partagé sa cabine d’ascenseur, Pierre Desproges n’aurait pas éprouvé la nécessité de rédiger cette déclaration de mépris envers son compagnon de montée :
L’idée ne m’effleura même pas de partager avec lui ma passion pour les chroniques de Vialatte et les bordeaux vieux, ou mon mépris pour le football et les endives braisées, ou alors il faut mettre très très peu d’eau, afin que l’endive "transpire" un maximum, et relever le plat d’une pincée de poivre vert moulu qu’on aura soin de saupoudrer en toute fin de cuisson, afin de n’en pas épuiser le fumet.
En tout cas je sais maintenant que depuis l’au-delà il m’a pardonné mon indulgence coupable envers l’endive et cet éloge inattendu d'une préparation de ce légume honni auquel je me sens obligé de me livrer.
En effet, il me faut bien l’avouer, je me suis vraiment régalé avec ces endives braisées que je venais de préparer. Certes, mon traitement fut différent de celui proposé par Desproges - recette que je vais essayer de reproduire un jour, même si je ne suis pas un fanatique du poivre vert, alors si tendance quand ces lignes furent écrites… - mais l’esprit reste le même : ne pas diluer le peu de saveur qu’offre cette blanche verdure tout en y ajoutant des parfums salvateurs.
J’ai commencé par faire tomber mes endives coupées en deux dans une grosse noix de beurre demi-sel - étendues côté découpe puis côté externe - au fond d’une poêle coiffée d’un couvercle.
Puis j’ai arrosé d’un trait de balsamique blanc que j’ai laissé réduire à découvert jusqu’à un début de caramélisation. Je me suis alors emparé dans la corbeille à fruit de deux oranges délaissées en raison de leur acidité et les ai pressées pour verser leur jus sur la cuisson. J’ai ajouté un brin de romarin cueilli la veille au jardin. J’ai ensuite poursuivi la réduction à petit feu. Quand le liquide est devenu sirupeux, j’ai éteint la flamme et donné un léger tour de moulin de poivre rouge de Kampot.
Les endives, à la fois fondantes et légèrement al dente, avaient conservé un soupçon d’amertume de bon aloi, et l’alliance de l’orange et du romarin a fonctionné à merveille. Il ne faut pas non plus oublier la pointe d’acidité qui émoustillait les papilles.
Qui aurait pu dire qu’un jour je me serais autant régalé avec des endives ?
D’autant plus qu’à leur côté des onglets de veau n’étaient pas prêts à jouer les seconds rôles.
Je les ai parfumés d’une pincée de ras el hanout avant de les faire dorer sur les deux faces. Eux aussi ont eu droit à un trait de balsamique blanc - rehaussé par une feuille de laurier.
La cuisson s’est terminée par le déglaçage de la poêle par le jus d’un citron.
J’ai pris beaucoup de plaisir avec cette viande fibreuse qu’est l’onglet de veau - presque autant qu’avec un sanglant onglet de bœuf. La chair en était tendre et moelleuse, et comme pour l’endive le traitement revigorant avait donné une personnalité à ce morceau plutôt fade, il faut bien le reconnaître (toutefois, comme il s’agissait d’un veau bien élevé je retire le mot fadeur, non, c’était une saveur subtile qui ne demandait qu’à être étayée pour révéler sa personnalité…).
Alors soit rassuré, ô timide onglet, je te kiffe grave !
En effet n’a-t-il pas écrit que l’endive, en tant que vivante apologie herbacée de la fadeur, est l’ennemie de l’homme qu’elle maintient au rang du quelconque, avec des frénésies mitigées, des rêves éteints sitôt rêvés, et même des pinces à vélo. L’homme qui s’adonne à l’endive est aisément reconnaissable, sa démarche est moyenne, la fièvre n’est pas dans ses yeux, il n’a pas de colère… J’étais d’autant plus amer - alors que l’endive actuelle, elle, ne l’est guère, s’étant débarrassée du peu de caractère qui la sauvait de la médiocrité - que j’ai même éprouvé un certain plaisir en les dégustant.
Fort heureusement, je viens de découvrir un autre texte qui me rassérène.
J’ose espérer que, si c’était moi qui avais partagé sa cabine d’ascenseur, Pierre Desproges n’aurait pas éprouvé la nécessité de rédiger cette déclaration de mépris envers son compagnon de montée :
L’idée ne m’effleura même pas de partager avec lui ma passion pour les chroniques de Vialatte et les bordeaux vieux, ou mon mépris pour le football et les endives braisées, ou alors il faut mettre très très peu d’eau, afin que l’endive "transpire" un maximum, et relever le plat d’une pincée de poivre vert moulu qu’on aura soin de saupoudrer en toute fin de cuisson, afin de n’en pas épuiser le fumet.
En tout cas je sais maintenant que depuis l’au-delà il m’a pardonné mon indulgence coupable envers l’endive et cet éloge inattendu d'une préparation de ce légume honni auquel je me sens obligé de me livrer.
En effet, il me faut bien l’avouer, je me suis vraiment régalé avec ces endives braisées que je venais de préparer. Certes, mon traitement fut différent de celui proposé par Desproges - recette que je vais essayer de reproduire un jour, même si je ne suis pas un fanatique du poivre vert, alors si tendance quand ces lignes furent écrites… - mais l’esprit reste le même : ne pas diluer le peu de saveur qu’offre cette blanche verdure tout en y ajoutant des parfums salvateurs.
J’ai commencé par faire tomber mes endives coupées en deux dans une grosse noix de beurre demi-sel - étendues côté découpe puis côté externe - au fond d’une poêle coiffée d’un couvercle.
Puis j’ai arrosé d’un trait de balsamique blanc que j’ai laissé réduire à découvert jusqu’à un début de caramélisation. Je me suis alors emparé dans la corbeille à fruit de deux oranges délaissées en raison de leur acidité et les ai pressées pour verser leur jus sur la cuisson. J’ai ajouté un brin de romarin cueilli la veille au jardin. J’ai ensuite poursuivi la réduction à petit feu. Quand le liquide est devenu sirupeux, j’ai éteint la flamme et donné un léger tour de moulin de poivre rouge de Kampot.
Où l'endive est passée à l'orange |
Les endives, à la fois fondantes et légèrement al dente, avaient conservé un soupçon d’amertume de bon aloi, et l’alliance de l’orange et du romarin a fonctionné à merveille. Il ne faut pas non plus oublier la pointe d’acidité qui émoustillait les papilles.
Qui aurait pu dire qu’un jour je me serais autant régalé avec des endives ?
D’autant plus qu’à leur côté des onglets de veau n’étaient pas prêts à jouer les seconds rôles.
Je les ai parfumés d’une pincée de ras el hanout avant de les faire dorer sur les deux faces. Eux aussi ont eu droit à un trait de balsamique blanc - rehaussé par une feuille de laurier.
La cuisson s’est terminée par le déglaçage de la poêle par le jus d’un citron.
La fibre est là... |
J’ai pris beaucoup de plaisir avec cette viande fibreuse qu’est l’onglet de veau - presque autant qu’avec un sanglant onglet de bœuf. La chair en était tendre et moelleuse, et comme pour l’endive le traitement revigorant avait donné une personnalité à ce morceau plutôt fade, il faut bien le reconnaître (toutefois, comme il s’agissait d’un veau bien élevé je retire le mot fadeur, non, c’était une saveur subtile qui ne demandait qu’à être étayée pour révéler sa personnalité…).
Alors soit rassuré, ô timide onglet, je te kiffe grave !
vendredi 13 mars 2020
mercredi 11 mars 2020
Tropézienne, trop bon ?
En 1955 à Saint-Tropez, Dieu créait la femme.
En 1955 à Saint-Tropez, Alexandre Micka créait la tropézienne.
Alexandre Micka eut la bonne idée de breveter sa création.
Dieu pécha par négligence, ne prit pas de brevet, et l’on voit le résultat : de nombreuses contrefaçons de qualité fort médiocre se sont répandues dans le monde…
Néanmoins, il est vrai qu’un brevet n’est pas éternel. Celui de la tropézienne est tombé dans le domaine public en 1992, et depuis cette date des recettes douteuses ont envahi la Toile. Ne sachant à quel saint me vouer, je suis remonté vers la formule du créateur.
Malheureusement, elle ne me convient guère.
Vous me voyez verser 400 jaunes d’œufs dans ma casserole ou casser 150 œufs pour les introduire dans la cuve de mon malaxeur avant de verser 25 kg de sucre ayant atteint le stade du petit boulé ?
J’ai donc différé la réalisation d’une telle pâtisserie, me consolant en dégustant de temps à autre sa cousine, la galette bourgueilloise concoctée par la pâtisserie Brémaud à Bourgueil, petite ville tourangelle où je ne m’arrête jamais sans avoir une pensée pour le regretté Jean Carmet.
Mais dans sa parution de mars 2020, la revue Saveurs a publié un cours illustré de pâtisserie prodigué par Carl Marletti portant sur la tropézienne.
C’était l’occasion ou jamais de se lancer. !
Voici le résultat.
En ce qui concerne la dégustation, c’était plutôt réussi...
En revanche, côté visuel, un débordement au-dessus du cercle de 18 cm préconisé (pousse trop importante ou hauteur du cercle insuffisante ?) a entraîné un léger débordement disgracieux faussant l’image de galette, et la chaleur de l’air pulsé a conféré un bronzage excessif, même s’il n’a pas nui à la saveur.
J’ai donc noté cette recette dans mes tablettes, car elle mérite d’être reprise en tenant compte des enseignements fournis par cette expérience.
La femme |
En 1955 à Saint-Tropez, Alexandre Micka créait la tropézienne.
La tropézienne |
Alexandre Micka eut la bonne idée de breveter sa création.
Dieu pécha par négligence, ne prit pas de brevet, et l’on voit le résultat : de nombreuses contrefaçons de qualité fort médiocre se sont répandues dans le monde…
Néanmoins, il est vrai qu’un brevet n’est pas éternel. Celui de la tropézienne est tombé dans le domaine public en 1992, et depuis cette date des recettes douteuses ont envahi la Toile. Ne sachant à quel saint me vouer, je suis remonté vers la formule du créateur.
Malheureusement, elle ne me convient guère.
Vous me voyez verser 400 jaunes d’œufs dans ma casserole ou casser 150 œufs pour les introduire dans la cuve de mon malaxeur avant de verser 25 kg de sucre ayant atteint le stade du petit boulé ?
J’ai donc différé la réalisation d’une telle pâtisserie, me consolant en dégustant de temps à autre sa cousine, la galette bourgueilloise concoctée par la pâtisserie Brémaud à Bourgueil, petite ville tourangelle où je ne m’arrête jamais sans avoir une pensée pour le regretté Jean Carmet.
La bourgueuilloise |
Mais dans sa parution de mars 2020, la revue Saveurs a publié un cours illustré de pâtisserie prodigué par Carl Marletti portant sur la tropézienne.
C’était l’occasion ou jamais de se lancer. !
Voici le résultat.
Tropézienne francilienne |
En ce qui concerne la dégustation, c’était plutôt réussi...
Bien dégoulinante de bonne crème |
J’ai donc noté cette recette dans mes tablettes, car elle mérite d’être reprise en tenant compte des enseignements fournis par cette expérience.
dimanche 8 mars 2020
Le tour de France par un lapin
Je suis né en Vendée, près de Maulévrier, ce qui prouve qu’une mauvaise terre pour mes cousins de garenne peut-être parfaite pour le lapin de race que je suis.
Quand je me vis bien râblé, l’oreille dressée à l’écoute du monde, je résolus de quitter le pays, une bouteille de muscadet sous le bras.
Ma première étape fut un jardin versaillais où je découvris des carottes et des échalotes qui me procurèrent un royal régal. Un verre de vin blanc pour me désaltérer, un brin de thym et une feuille de laurier en dessert, et je repris la route. Un passage par la Capitale - où je ne m’attardais guère, ayant failli plusieurs fois passer sous les roues d’une voiture, n’ayant pas la dextérité de mes frères du Bois de Boulogne ou des talus du périphérique - ne me permit pas d’y trouver les champignons de Paris que j’escomptais. Il me fallut rebrousser chemin et gagner la bonne ville de Saumur : je n’allais tout de même pas aller jusqu’en Pologne afin de garder mon cap vers l’Est.
Un instant j’eus la nostalgie de mon paisible village. Elle n’était pas loin, cette ferme où ma généreuse gouvernante m’apportait ma ration alimentation 100 % végétale, vitamines et minéraux, sans OGM, sans que j’eusse besoin de la réclamer, et que je n’avais rien d’autre à faire que de rêvasser en fronçant le nez et de crotter sans retenue dans un coin de mon appartement, certain que j’étais qu’il allait être promptement nettoyé par un valet dévoué.
Mais je me suis vite ressaisi pour repartir, nanti de mes agarics cavernicoles, vers mon hospitalier jardin versaillais.
Las, ayant confondu Vénus avec l’Étoile Polaire, j’étais en Normandie. C’est ce que me révéla une vache prénommée Marguerite, avec laquelle j’avais sympathisé après qu’elle fut venue regarder quel était ce vagabond poilu qui avait passé la nuit à l’abri de la haie bordant son pré, puis s’enquérir de mes projets. Je ne lui avais pas tenu rigueur du fait qu’en entendant mon vœu de sillonner ma planète, elle se soit métamorphosée en vache qui rit - « Ah, elle est bien bonne, toi qui perds si facilement le nord… » et j’avais suivi son conseil de ne pas quitter sa contrée sans me munir d’un pot de crème.
« Ça, je connais, en Vendée, on en a aussi, mais je n’en ai jamais eu. C’est bon pour un lapin ?
- Que oui ! Tu m’en diras des nouvelles, ça te changera de la ration alimentaire, d’autant plus qu’ici elle est super, la crème, on ne trouve pas meuh…
- Pas mieux !
- Excuse-moi, parfois ma nature bouseuse reprend le dessus.
- Mais non, ne t’en fais pas, tu parles un français au poil, tu m’entendrais quand je couine ou je glapis… »
Bref, nous nous quittâmes enchantés l’un de l’autre, et nous nous promîmes de se retrouver à la même table dans un avenir dont aucun de nous pouvait présumer s’il serait proche ou lointain.
Las, on ne se refait pas. L’orientation et moi… Heureusement que trotter ne me fait pas peur ! Car j’ai visé trop bas, j’ai raté Versailles, et j’ai atterri à Dijon. Aux portes de la ville, je découvris un panneau arborant l’inscription : « Dijon, capitale de la moutarde ».
Je m’enquis de la nature de ce produit auprès d’un hérisson qui faisait sa sieste dans le fossé non loin.
« Ah, la moutarde… Capitale, certes, mais désormais avec des graines de provenance lointaine.
- Des graines ? Mais ça m’intéresse, j’aimerais bien y goûter. Enfin si c’est bon pour un lapin…
- Si c’est bon ? Mais, malheureux, pauvre ignorant, le lapin et la moutarde ont toujours fait bon ménage…
- Bof, je ne savais pas, ce n’est pas un crime. Et toi tu aimes ?
- Le hérisson que je suis ne peut qu’être favorable à tout ce qui est piquant.
- Tu me fais peur…
- Je vois que tu as sous la patte un pot de crème, utilise-la pour adoucir, et tu te régaleras, crois-moi ! »
Je me suis donc procuré un pot de moutarde de Dijon. Comment ? Eh bien par le truchement d’un vieux rat receleur qui s’est contenté de prendre la mine chafouine d’un vieux philosophe et de gémir « La nuit, tous les rats sont gris ! » en levant les yeux au ciel.
En échange, j’ai dû lui donner la moitié de mon pot de crème. Peste soit de ce rat ! Et adieu Dijon. Direction mon jardin préféré.
Sacrebleu, je suis incorrigible ! Je me croyais presque arrivé - bien qu’un peu dérouté par le relief et l’abondance de sapins quand au lieu du panneau « Versailles » espéré je lus « Saverne ». La géographie et moi, ça fait deux, alors je suis retourné dans les bois et je me suis adressé à un chevreuil au port altier qui passait par là.
« Où suis-je ?
- Qui sommes-nous, où allons-nous ? »
C’était bien ma chance, je m’étais adressé à un chevreuil métaphysicien !
Je lui tournais le dos et obtins ma réponse par le biais d’un renard, un rouquin sournois qui lorgnait mes provisions d’un regard concupiscent mais eut néanmoins le mérite de m’informer que j’étais en Alsace. Il ajouta que j’étais bien tombé et qu’il n’y aurait rien de mieux que des spätzle pour m’accompagner.
« Je n’ai besoin de personne pour me tenir compagnie. Je voyage seul, et n’en suis pas mécontent » répliquai-je. Il ricana qu’elles étaient pourtant bonnes pâtes.
Je lui tournais le dos, néanmoins un peu intrigué. La nuit, je m’introduisis dans la ville tout endormie sous ses toits où les nids attendaient les cigognes parties en villégiature ensoleillée. Comme partout il y avait un vieux rat receleur, réplique de celui rencontré à Dijon. Il se faisait fort de me procurer des spätzle - tombées d’un camion affirma-t-il, ce qui n’était pas de bonne augure pour des compagnes de voyage - en l’échange de…
« Ah, non ! Pas du peu qu’il me reste de crème ! ». Il dut se contenter de la moitié de mon pot de moutarde.
Quand je vis les spätzle, je compris que le renard s'était moqué de moi. Il s’agissait de vraies pâtes, en farine et en œuf, et non de compagnes à pattes. Pas plus mal. Et comme le vieux rat n’était pas si rat que ça, il me fit cadeau d’une carte routière pas si rongée que ça en soupirant « Maintenant avec le GPS c’est invendable.. Vous prenez la première ruelle à droite, puis encore à droite après la Bierstub, et vous tombez sur la nationale 4. Après, c’est tout droit. »
Un peu plus tard, je constatai que j’allais pénétrer dans Strasbourg. Je fis demi-tour, repassai par Saverne, faillis donner un petit bonjour au vieux rat si attentionné, mais m’abstins finalement par peur du ridicule.
Le surlendemain, j’étais bien à Versailles grâce à cette précieuse carte
C’est ainsi que je me suis retrouvé avec ce lapin à la carte.
Pour ne pas être en reste, une pincée de curcuma lui a donné de la couleur, et je lui ai offert un bouquet de persil. Je ne sais s’il a apprécié le poivre de Voatsoperifery et les grains de piment de la Jamaïque. En ce qui me concerne, ce fut le cas.
Je lui ai fait cuire ses spätzlze. Gratos. Et il ne m’a même pas remercié. Le lapin est trop souvent ingrat…
Quand je me vis bien râblé, l’oreille dressée à l’écoute du monde, je résolus de quitter le pays, une bouteille de muscadet sous le bras.
Ma première étape fut un jardin versaillais où je découvris des carottes et des échalotes qui me procurèrent un royal régal. Un verre de vin blanc pour me désaltérer, un brin de thym et une feuille de laurier en dessert, et je repris la route. Un passage par la Capitale - où je ne m’attardais guère, ayant failli plusieurs fois passer sous les roues d’une voiture, n’ayant pas la dextérité de mes frères du Bois de Boulogne ou des talus du périphérique - ne me permit pas d’y trouver les champignons de Paris que j’escomptais. Il me fallut rebrousser chemin et gagner la bonne ville de Saumur : je n’allais tout de même pas aller jusqu’en Pologne afin de garder mon cap vers l’Est.
Un instant j’eus la nostalgie de mon paisible village. Elle n’était pas loin, cette ferme où ma généreuse gouvernante m’apportait ma ration alimentation 100 % végétale, vitamines et minéraux, sans OGM, sans que j’eusse besoin de la réclamer, et que je n’avais rien d’autre à faire que de rêvasser en fronçant le nez et de crotter sans retenue dans un coin de mon appartement, certain que j’étais qu’il allait être promptement nettoyé par un valet dévoué.
Mais je me suis vite ressaisi pour repartir, nanti de mes agarics cavernicoles, vers mon hospitalier jardin versaillais.
Las, ayant confondu Vénus avec l’Étoile Polaire, j’étais en Normandie. C’est ce que me révéla une vache prénommée Marguerite, avec laquelle j’avais sympathisé après qu’elle fut venue regarder quel était ce vagabond poilu qui avait passé la nuit à l’abri de la haie bordant son pré, puis s’enquérir de mes projets. Je ne lui avais pas tenu rigueur du fait qu’en entendant mon vœu de sillonner ma planète, elle se soit métamorphosée en vache qui rit - « Ah, elle est bien bonne, toi qui perds si facilement le nord… » et j’avais suivi son conseil de ne pas quitter sa contrée sans me munir d’un pot de crème.
« Ça, je connais, en Vendée, on en a aussi, mais je n’en ai jamais eu. C’est bon pour un lapin ?
- Que oui ! Tu m’en diras des nouvelles, ça te changera de la ration alimentaire, d’autant plus qu’ici elle est super, la crème, on ne trouve pas meuh…
- Pas mieux !
- Excuse-moi, parfois ma nature bouseuse reprend le dessus.
- Mais non, ne t’en fais pas, tu parles un français au poil, tu m’entendrais quand je couine ou je glapis… »
Bref, nous nous quittâmes enchantés l’un de l’autre, et nous nous promîmes de se retrouver à la même table dans un avenir dont aucun de nous pouvait présumer s’il serait proche ou lointain.
Las, on ne se refait pas. L’orientation et moi… Heureusement que trotter ne me fait pas peur ! Car j’ai visé trop bas, j’ai raté Versailles, et j’ai atterri à Dijon. Aux portes de la ville, je découvris un panneau arborant l’inscription : « Dijon, capitale de la moutarde ».
Je m’enquis de la nature de ce produit auprès d’un hérisson qui faisait sa sieste dans le fossé non loin.
« Ah, la moutarde… Capitale, certes, mais désormais avec des graines de provenance lointaine.
- Des graines ? Mais ça m’intéresse, j’aimerais bien y goûter. Enfin si c’est bon pour un lapin…
- Si c’est bon ? Mais, malheureux, pauvre ignorant, le lapin et la moutarde ont toujours fait bon ménage…
- Bof, je ne savais pas, ce n’est pas un crime. Et toi tu aimes ?
- Le hérisson que je suis ne peut qu’être favorable à tout ce qui est piquant.
- Tu me fais peur…
- Je vois que tu as sous la patte un pot de crème, utilise-la pour adoucir, et tu te régaleras, crois-moi ! »
Je me suis donc procuré un pot de moutarde de Dijon. Comment ? Eh bien par le truchement d’un vieux rat receleur qui s’est contenté de prendre la mine chafouine d’un vieux philosophe et de gémir « La nuit, tous les rats sont gris ! » en levant les yeux au ciel.
En échange, j’ai dû lui donner la moitié de mon pot de crème. Peste soit de ce rat ! Et adieu Dijon. Direction mon jardin préféré.
Sacrebleu, je suis incorrigible ! Je me croyais presque arrivé - bien qu’un peu dérouté par le relief et l’abondance de sapins quand au lieu du panneau « Versailles » espéré je lus « Saverne ». La géographie et moi, ça fait deux, alors je suis retourné dans les bois et je me suis adressé à un chevreuil au port altier qui passait par là.
« Où suis-je ?
- Qui sommes-nous, où allons-nous ? »
C’était bien ma chance, je m’étais adressé à un chevreuil métaphysicien !
Je lui tournais le dos et obtins ma réponse par le biais d’un renard, un rouquin sournois qui lorgnait mes provisions d’un regard concupiscent mais eut néanmoins le mérite de m’informer que j’étais en Alsace. Il ajouta que j’étais bien tombé et qu’il n’y aurait rien de mieux que des spätzle pour m’accompagner.
« Je n’ai besoin de personne pour me tenir compagnie. Je voyage seul, et n’en suis pas mécontent » répliquai-je. Il ricana qu’elles étaient pourtant bonnes pâtes.
Je lui tournais le dos, néanmoins un peu intrigué. La nuit, je m’introduisis dans la ville tout endormie sous ses toits où les nids attendaient les cigognes parties en villégiature ensoleillée. Comme partout il y avait un vieux rat receleur, réplique de celui rencontré à Dijon. Il se faisait fort de me procurer des spätzle - tombées d’un camion affirma-t-il, ce qui n’était pas de bonne augure pour des compagnes de voyage - en l’échange de…
« Ah, non ! Pas du peu qu’il me reste de crème ! ». Il dut se contenter de la moitié de mon pot de moutarde.
Quand je vis les spätzle, je compris que le renard s'était moqué de moi. Il s’agissait de vraies pâtes, en farine et en œuf, et non de compagnes à pattes. Pas plus mal. Et comme le vieux rat n’était pas si rat que ça, il me fit cadeau d’une carte routière pas si rongée que ça en soupirant « Maintenant avec le GPS c’est invendable.. Vous prenez la première ruelle à droite, puis encore à droite après la Bierstub, et vous tombez sur la nationale 4. Après, c’est tout droit. »
Un peu plus tard, je constatai que j’allais pénétrer dans Strasbourg. Je fis demi-tour, repassai par Saverne, faillis donner un petit bonjour au vieux rat si attentionné, mais m’abstins finalement par peur du ridicule.
Le surlendemain, j’étais bien à Versailles grâce à cette précieuse carte
C’est ainsi que je me suis retrouvé avec ce lapin à la carte.
...ou plutôt au menu |
Pour ne pas être en reste, une pincée de curcuma lui a donné de la couleur, et je lui ai offert un bouquet de persil. Je ne sais s’il a apprécié le poivre de Voatsoperifery et les grains de piment de la Jamaïque. En ce qui me concerne, ce fut le cas.
Je lui ai fait cuire ses spätzlze. Gratos. Et il ne m’a même pas remercié. Le lapin est trop souvent ingrat…
Spätzle pour un lapin |
lundi 2 mars 2020
La malédiction du pormonier
L’histoire bégaie.
Je puis reproduire la première phrase que j’écrivais il y a un an à quelques jours près :
https://sosgrisbiche.blogspot.com/2019/03/diots-aux-legumes-aux-legumes.html
De bonnes âmes m’ont apporté de Savoie des saucisses locales, des pormoniers, ces diots intégrant des épinards et des poireaux.
J’ajouterai néanmoins cette précision : il s’agit de la fabrication d’un petit artisan qui les a mis sous vide. Après le périple qu’il a subi d’un retour de montagne, je préfère ne pas laisser traîner ce produit sensible trop longtemps au réfrigérateur. Je me lance donc dans la préparation du repas dont il sera la guest-star.
Je me dirige vers le placard afin de m’emparer du paquet de crozets niché au milieu de ma réserve de pâtes. Mais où qu’c’est-il qu’il est ce fichu paquet ? Je fouille, je farfouille, je tourne, je retourne, j’extrais, je déplace, j’enlève, je remets, je rattrape au vol une boîte de fusilli, ne peux empêcher la chute de spaghetti qui s’en tireront avec quelques fractures, expulse un sachet de lentilles qui n’avait rien à faire là. Je me résous finalement à admettre que, soit ces crozets ont réussi à s’évader de ce local clos pour retourner dans leur Savoie natale - ce qui me paraît peu vraisemblable -, soit ils n’ont existé que dans mon imagination.
Je me passerai de crozets.
Je me dirige vers la rangée de bouteilles alignées pour la cuisine (huiles, vinaigres, vins et autres liquides alimentaires) afin de m’emparer du sauvignon dévolu à la cuisson. Mais où qu’c’est-il qu’il est ce fichu pinard ? Mais oui, là je me souviens, j’ai fini la bouteille en la versant sur mon rôti de veau et j’ai oublié de la remplacer…
Je me passerai de vin blanc.
Il me faut pourtant cuisiner ces pormoniers !
Improvisons une recette… J’avise une boîte d’œufs achetés l’avant-veille au marché, je sais qu’un beau morceau de Beaufort acheté à la coopérative locale qui accompagnait les pormoniers se trouve rangé au frais. D'ailleurs je l'ai même aperçu en sortant ces saucisses... Je confectionnerai donc une omelette saucisse fromage.
J’ai vu que quelques recettes (sans doute concoctées par des membres de ligues de tempérance…) se contentent d’inviter à cuire ces saucisses dans simplement de l’eau bouillante.
C’est ce que je vais faire, à mon grand regret, espérant que ce ne sera pas la grande lessive.
Vingt minutes plus tard, je découpe les pormoniers en petits tronçons sur la même planche qui m’a servi à partager le beaufort en petits parallélépipèdes pendant la cuisson.
Ensuite je passe à la finalisation de l’omelette. Cinq œufs battus, force poivre, un peu de sel, le tout versé sur un mélange de beurre et d’huile d’olive.
Dès que le fond est coagulé, j’insère les découpes de pormoniers, tout en continuant à agiter la poêle, puis je parsème des morceaux de beaufort. J’ajoute quelques noisettes de beurre.
Aussitôt je pose la poêle sous le gril rougeoyant du four afin de faire fondre le fromage - pas trop longtemps, l’omelette devant rester légèrement baveuse.
Ben ça y est, mission accomplie ! J’ai bravé la malédiction du pormonier.
Je puis reproduire la première phrase que j’écrivais il y a un an à quelques jours près :
https://sosgrisbiche.blogspot.com/2019/03/diots-aux-legumes-aux-legumes.html
De bonnes âmes m’ont apporté de Savoie des saucisses locales, des pormoniers, ces diots intégrant des épinards et des poireaux.
Pormoniers en habit de voyage |
J’ajouterai néanmoins cette précision : il s’agit de la fabrication d’un petit artisan qui les a mis sous vide. Après le périple qu’il a subi d’un retour de montagne, je préfère ne pas laisser traîner ce produit sensible trop longtemps au réfrigérateur. Je me lance donc dans la préparation du repas dont il sera la guest-star.
Je me dirige vers le placard afin de m’emparer du paquet de crozets niché au milieu de ma réserve de pâtes. Mais où qu’c’est-il qu’il est ce fichu paquet ? Je fouille, je farfouille, je tourne, je retourne, j’extrais, je déplace, j’enlève, je remets, je rattrape au vol une boîte de fusilli, ne peux empêcher la chute de spaghetti qui s’en tireront avec quelques fractures, expulse un sachet de lentilles qui n’avait rien à faire là. Je me résous finalement à admettre que, soit ces crozets ont réussi à s’évader de ce local clos pour retourner dans leur Savoie natale - ce qui me paraît peu vraisemblable -, soit ils n’ont existé que dans mon imagination.
Je me passerai de crozets.
Je me dirige vers la rangée de bouteilles alignées pour la cuisine (huiles, vinaigres, vins et autres liquides alimentaires) afin de m’emparer du sauvignon dévolu à la cuisson. Mais où qu’c’est-il qu’il est ce fichu pinard ? Mais oui, là je me souviens, j’ai fini la bouteille en la versant sur mon rôti de veau et j’ai oublié de la remplacer…
Je me passerai de vin blanc.
Il me faut pourtant cuisiner ces pormoniers !
Improvisons une recette… J’avise une boîte d’œufs achetés l’avant-veille au marché, je sais qu’un beau morceau de Beaufort acheté à la coopérative locale qui accompagnait les pormoniers se trouve rangé au frais. D'ailleurs je l'ai même aperçu en sortant ces saucisses... Je confectionnerai donc une omelette saucisse fromage.
J’ai vu que quelques recettes (sans doute concoctées par des membres de ligues de tempérance…) se contentent d’inviter à cuire ces saucisses dans simplement de l’eau bouillante.
C’est ce que je vais faire, à mon grand regret, espérant que ce ne sera pas la grande lessive.
Quand les pormoniers font pâle figure |
Vingt minutes plus tard, je découpe les pormoniers en petits tronçons sur la même planche qui m’a servi à partager le beaufort en petits parallélépipèdes pendant la cuisson.
Ensuite je passe à la finalisation de l’omelette. Cinq œufs battus, force poivre, un peu de sel, le tout versé sur un mélange de beurre et d’huile d’olive.
Dès que le fond est coagulé, j’insère les découpes de pormoniers, tout en continuant à agiter la poêle, puis je parsème des morceaux de beaufort. J’ajoute quelques noisettes de beurre.
Quand la Normandie fond sur la Savoie |
Aussitôt je pose la poêle sous le gril rougeoyant du four afin de faire fondre le fromage - pas trop longtemps, l’omelette devant rester légèrement baveuse.
Omelette campagnarde savoyarde |
Ben ça y est, mission accomplie ! J’ai bravé la malédiction du pormonier.
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