mardi 9 janvier 2018

Destinée

Il ne me reste plus qu’à inventer un destin pour ce reste….

Eh bien ça y-est, le destin a frappé à ma porte et m’a susurré à l’oreille : « La poitrine demi-sel, la saucisse de Morteau sont excellents froids avec quelques frites...».
Une autre voix m’a bien ajouté cette réflexion : « Es-tu bien certain que cet accord respecte les canons de la diététique ? »
Mais je serai inflexible.

Destinée
Inutile de fuir ou de lutter
C'est écrit dans notre destinée
Tu ne pourras pas y échapper
C'est gravé


Ma seule concession sera de ne pas accompagner de mayonnaise, mais de poser un pot de Savora sur la table à côté des charcutailles et des frites.
Condiment qui me rappelle chaque fois que je le porte à ma bouche ce wagon-bar lambrissé aux cuivres bien astiqués dans lequel je grimpais jadis en gare d’Austerlitz au dernier moment, quand le sifflet annonçait le départ du train, pour me percher sur un tabouret et profiter  de la compagnie d’une copieuse assiette anglaise et d’une bière le temps d’arriver en Poitou. C’était à une époque où la SNCF n’avait pas besoin de seriner un dérisoire "À nous de vous faire préférer le train"…

Bref, je m’attaque à la cuisson des pommes de terre frites, des rajas du jardin car les bintjes du commerce achetées à cette fin n’avaient pas fait merveille lors d'une cuisson précédente.
Je change de registre, passant du slow à un  entraînant :

Ah ! Savora, Savora, Savora,
Tous les rajas à la friture,
Ah ! Savora, Savora, Savora,
Tous les rajas on les cuira !


Bientôt nous pouvons passer à table.

frites, poitrinne demi-sel, lard, Morteau, Savora
Restes

Mais nous ne sommes pas deux ogres -même pas moi !- et à nouveau nous ne pouvons finir le lard et la saucisse de Morteau.
Il ne me reste plus qu’à inventer un destin pour ce reste...

dimanche 7 janvier 2018

Ils sont cassés

Le prince n’avait presque pas fermé l'œil de la nuit. Il s’écria :
«  Dieu sait ce qu'il y avait dans ce lit. J'étais couché sur quelque chose de si dur que j'en ai des bleus et des noirs sur tout le corps ! C'est terrible ! »
Il arracha draps et couvertures, retourna toute la literie, quand soudain un petit pois roula sur la descente de lit d’Ikean, un brocart de soie brodé de fleurs d’or, pour finir sur le parquet en point de Hongrie entre deux chaussettes trouées.
Le prince se devait de châtier le coupable. Il ordonna  que l’on alla quérir l’ensemble des pois du royaume, ce qui fut fait, même si un certain Mendel fit un scandale dans son couvent, refusant de se séparer de ses graines au nom de la science, ce qui fit bien rire la maréchaussée.
Quand toute la récolte fut amassée aux pieds du prince, celui-ci manda la troupe et hurla d’une voix rauque :
« Cassez le pois !
   Cassez le pois !
   Cassez le pois ! »
On entendit un grognement. C’était l’animal familier du prince, une sémillante jeune truie au cou grassouillet élégamment cerné d’une fraise d’organdi rose. Cette interruption eut le don d’irriter le prince.
« Que l’on se saisisse de la bête. Elle est bonne pour BTC ! »
Puis il fit ébouillanter les coupables, et, hystérique, il sauta sur eux, trépigna, les écrasa sous ses Dr Martens 1460.
Ce n’était pas la première fois que le prince faisait appel à "Balance Ta Cochonne". En remerciement l’association lui fit parvenir un assortiment de cochonnailles.
Comme de plus le prince était avare, il récupéra les pois, y ajouta la charcuterie et convia sa cour à un banquet.
La purée de pois cassés garnie était née.

Mais doit-on croire cette histoire ? Car j’ai entendu il y a peu une autre version.

Marco Polo, revenant de Chine, avait dans ses bagages un petit sachet de graines des plantes produisant les savoureuses petites sphères vertes qu’il venait de découvrir en cette lointaine contrée. Las, quand il défit le lacet fermant la pochette de soie, il aperçut les dégâts causés par le long périple : les pois étaient cassés !
C’est ainsi que Marco Polo fut l’inventeur des pois cassés.

Bon, chacun choisira la version qu’il préfère.

Quant à moi, je serai pragmatique.
Dans une cocotte en fonte je recouvre d’eau les pois cassés que j'ai rincés en les sortant de leur emballage, les place sur la plaque coup de feu du fourneau avec un oignon clouté, trois gousses d’ail, un morceau de céleri-branche, une carotte coupée en deux, des tranches d’un blanc de poireau, un bouquet garni, des grains de poivre de Voatsiperifery.

pois cassés
Lancer de pois
La cuisson durera une cinquantaine de minutes.
À côté, une petite casserole d’eau chaude afin de compléter si besoin, et une grande casserole dans laquelle cuiront de la poitrine demi-sel et du lard fumé pendant la même durée, puis une saucisse de Morteau durant une demi-heure, enfin une petite saucisse fumée de mon éleveur favori durant vingt minutes. J’immerge en compagnie de toute cette viande une branche de thym, une autre de romarin, du poivre long de Timiz, du poivre blanc de Penja et des baies de genièvre.

Quand les pois cassés sont cuits, j’en extrais la carotte et l’oignon que je réserve, le bouquet garni, l'ail et la branche de céleri qui vont à la poubelle.
Je plonge la girafe équipée de son bras blender et mixe les pois jusqu’à obtenir une purée fine que je trouve un peu trop liquide. J’assaisonne, et deux ou trois minutes à petit bouillon tout en tournant et raclant avec un fouet afin que ça n’attache pas me permettent d’atteindre la texture souhaitée. J’incorpore une grosse noix de beurre et réserve hors du feu.
Je retire la viande, la découpe. Je passe dans le beurre à la poêle trois tranches de poitrine, trois tranches de lard, trois rondelles de Morteau, la petite saucisse fumée partagée en trois. Je sors ces morceaux, les installe dans la cocotte, ajoutant la carotte et deux éclats d’oignon.
J’arrose du jus présent au fond de la poêle et parsème de persil haché.

pois cassés, purée, charcuterie, lard, Mortteau, saucisse
Dans la purée de pois

La cocotte est posée sur la table de la salle à manger avec à ses côtés un plat recouvert du reste de charcuterie pour si jamais un besoin de rab en viande se fait sentir.

Morteau, saucisse, lard, poitrine demi-sel
Bon porc


Mais aucun des trois convives -même pas moi !-  n’est un ogre. Il ne me reste plus qu’à inventer un destin pour ce reste….

samedi 6 janvier 2018

Déçu par ma blonde

«Ah, non, c’est pas possible… Je t’ai déçu ? Snif, snif !!! »

Blonde désolée

Mais non, pas toi, la blonde dont que j'cause, elle est espagnole.

«Oui, on parle de moi ?

Blonde d'Espagne
Comment ça ! Une Miss Monde, te décevoir ! »

Il ne s'agit pas de toi non plus, ô blonde labellisée, ma blonde espagnole, la voici :

Blonde de Galice

Elle m'a déçu...
Pourtant, sacrée par d’aucuns qui sont certainement tout sauf naïfs au rang de Miss Monde du Bovin,  elle m’avait procuré jadis une relative satisfaction.
http://sosgrisbiche.blogspot.fr/2017/07/la-blonde-de-galice.html

Mais cette fois-ci l’entrecôte n’était quasiment pas persillée, et, bien que certifiée maturée plus de 45 jours, manquait de tendreté. Pas de graisse fondante, un bord  caoutchouteux et coriace. Bref, aucun plaisir, en dépit d’un traitement soigné : mise à température ambiante avant de poser sur une poêle pas trop chaude tapissée d’une larme d’huile d’arachide et d’une noisette de beurre fondu, puis introduction d’un gros morceau de beurre afin de nourrir sans cesse de Surgères mousseux.

blonde de Galice, entrecôte
Blonde de poêle
Enfin repos avant la découpe… Que faire de plus ?


Après nous avoir envahis de fruits et légumes immangeables, l’Ibérie va-t-elle désormais nous arnaquer sur la viande ?

mercredi 3 janvier 2018

Où je me prends la tête et où je décire

Paraphrasant Louis XVI notant sur son journal :
-14 juillet 1789, rien
j’écris :
-31 décembre 2017, rien

En effet pour la Saint-Sylvestre j’avais rendu mon tablier, me livrant à la facilité des plats préparés par le traiteur. Tout à fait convenables d’ailleurs et m'évitant ainsi pas seulement le travail, mais aussi la mauvaise conscience.
Je signalerai cependant une découverte : j’ai débouché en guise d’apéritif pour accompagner les petits fours une petite -eh oui, 25cl seulement…- bouteille achetée pour le foie gras mais oubliée à Noël  : un Tokaji Aszu 3 puttonyos 1993.

Tokaji Aszu, puttonyos
Qu'est-ce qu'il fait, qu'est-ce qu'il a, qui c'est celui-là ?
En savoir plus sur https://www.paroles.net/vassiliu-pierre/paroles-qui-c-est-celui-la#tg3XaFf4toFJ566G.99
Qu'est-ce qu'il fait, qu'est-ce qu'il a, qui c'est celui-là ?
En savoir plus sur https://www.paroles.net/vassiliu-pierre/paroles-qui-c-est-celui-la#tg3XaFf4toFJ566G.99
Qu'est-ce qu'il fait, qu'est-ce qu'il a, qui c'est celui-là ?
En savoir plus sur https://www.paroles.net/vassiliu-pierre/paroles-qui-c-est-celui-la#tg3XaFf4toFJ566G.99
Qu'est- ce qu'il fait, qu'est-ce qu'il a, qui c'est ce vin là ?
Une symphonie de parfums, et surtout une teneur en sucre raisonnable équilibrée par une pointe bienvenue d’acidité.
http://tokaj.free.fr/tokay-classification.html


Mais quittons cet émouvant souvenir bacchique…

En farfouillant dans le bac de mon réfrigérateur, je me suis aperçu que la poutargue qui y était rangée s’approchait dangereusement de sa date de péremption. D’où, le lendemain, la recette suivante :
pâtes à la poutargue et aux gambas.
Je décapite par torsion une douzaine de gambas et les dénude en laissant la nageoire caudale.
Les têtes et la carcasse vont au fond d’une poêle bien chaude.J’ajoute un trait d’huile d’olive.

gambas, fond
J'ai perdu la tête..
Puis je déglace de deux verres de vin blanc, un reste d’une bouteille de gros-blanc dévolue à la cuisine. Je réduis jusqu’à obtenir un verre d’un beau jus parfumé et coloré que je vide à travers un chinois dans une petite casserole et que je rehausse d’une gousse d’ail hachée et de plusieurs tours de moulin de poivre rouge de Kâmpôt.
Je mets dans l’eau bouillante salée une douzaine de nids de nuedle fines alsaciennes de chez Thirion que j’en ressortirai un quart d’heure plus tard.
Pendant ce temps je dégage la poutargue de la cire qui la préserve, puis de sa peau. Je la découpe en tranches de 2mm environ.
Je rajoute une nouvelle cuillérée d’huile d’olive au fond de la poêle où les gambas vont subir un bref aller-retour sur le feu. J’éteins, sors les gambas avec une pince pour les transférer dans la casserole de jus placée en réserve.
Les pâtes sont cuites al dente, je les égoutte, les verses dans la poêle déglacée d’une petite louchée d’eau de cuisson où je les brasse avant de les  regrouper en couronne sur le pourtour. Je les parsème des tranches de poutargue. J’ai remis la petite casserole à température. Je dispose les gambas sur les pâtes avant de les arroser du jus parfumé. Au centre (ou presque…) de la poêle je couche des feuilles de plantain corne-de-cerf et de la mâche ramassées deux heures auparavant au jardin.
Je distribue quelques gouttes d’huile d’olive, plus, pour la salade, un soupçon de balsamique blanc.
La présence abondante de poutargue m’a dissuadé de rajouter du sel. En revanche je ne me prive pas de donner quelques nouveaux tours de moulin de poivre rouge.

poutargue, gambas, pâtes
Oh, poutargue... !

La poêle est posée sur la table.
Tout ce que je puis dire, c’est que les gambas n’ont pas perdu la tête pour rien, et que les oeufs de la poutargue ont bien fait de se débarrasser de leur triste cire.

dimanche 31 décembre 2017

Des oies, des cocottes et des chiens

Il arrive que des oies qui ont les foies croisent sur leur chemin des chiens qui ont perdu leurs truffes et des cocottes qui ont des vapeurs.
C’est ce qui s’est passé chez moi. La rencontre n’a duré que cinq minutes.
Après, tout ce petit monde était en froid… 

La totalité de mon foie gras cru mariné ayant dépassé la capacité de gavage du Maréchal de Contades, j’ai décidé d’utiliser une technique rapide afin de cuire le reste : la ballotine cuite en autocuiseur.
http://chefsimon.lemonde.fr/recettes/ballotine-de-foie-gras

À la sortie de la cocotte-minute, le résultat ne m’a pas paru enthousiasmant. J’ai tenté de faire reprendre forme à cette baudruche mollassonne non pas dans un verre doseur comme le Chef Simon, mais dans une petite terrine rectangulaire en porcelaine.
Finalement, après un séjour de quelques jours au réfrigérateur, le résultat était convenable. Je regrette simplement que la graisse, dont la fonte fut modeste, apparaisse plutôt comme une émulsion… Peut-être est-ce parce qu’opérant de mémoire j’avais zappé l’instruction de maintenir la pression basse. Enfin, servi avec l’excellent pain aux figues (ah, que la croûte caramélisée est savoureuse !) concocté par le boulanger, le plaisir était quand même là…

foie gras, oie, autocuiseur
Pondu par la cocotte



jeudi 28 décembre 2017

Compte de Noël

20 décembre.

Réfléchissant aux menus  des repas de Noël, je me dis que j’aimerais bien refaire le pâté de foie gras d'oie Maréchal de Contades, spécialité strasbourgeoise qui avait été très appréciée au réveillon de 2013.

Maréchal de Contades
Maréchal 2013

Je ne savais pas dans quelle galère je m’embarquais…

22 décembre.

Je déballe le foie d’oie cru envoyé par un artisan du Périgord et me lance dans son déveinage…

foie gras d'oie
Un foie qui n'a pas de veine ?
Puis je le déchire en plusieurs morceaux que je vais faire mariner sous  vide avec une cuillérée de cognac, un quart de verre de vin blanc, une petite cuillerée de sel, un peu moins de cassonade,  quelques tours de moulin de poivre rouge, une pincée de quatre-épices. J’ouvre un bocal de truffes. Je suis étonné par le parfum qui s’en dégage, dépassant presque celui de truffes fraîches – de celles que je n’achète pas en cette période où les prix sont boostés et la maturité n’est pas à son optimum. Il est vrai qu’il s’agit de truffes de catégorie extra n’ayant subi qu’une seule ébullition, conserves de la sérieuse maison Plantin, et non de ces produits délavés dont des malfaisants font d’une pierre deux coups en vendant séparément une dépouille et son ectoplasme… Je  dépose les diamants noirs sur la surface avant de fermer la boîte et faire le vide.

foie d'oie, foie gras
Un foie brisé
Je poursuis en réservant le même traitement aromatique à une livre de chair de veau hachée, y ajoutant en plus le jus du bocal de truffes et une petite cuillerée de fond de veau.

pâté , foie gras, oie
Mon deuxième bac

Bon, tous les éléments de la farce du pâté  sont sous vide et attendent sagement au réfrigérateur un lendemain qui chante.
Il s’agit maintenant de préparer la pâte. En 2013, j’avais eu du mal à foncer le moule et une légère fissure était apparue. Je décide donc de modifier ma recette habituelle, consistant en une banale pâte brisée dans laquelle je remplace 10% du beurre par du saindoux. Il traine sur le Web une recette de pâté Maréchal des (sic) Contades prescrivant ces quantités :

– 137,5 g de saindoux
– 375 g de farine
– 10 g de fleur de sel
– 2,5 cl d’eau tiède
– 75 g de beurre


Je vais essayer. Après moult pétrissage la pâte très friable semble enfin agglomérée. Enfermée dans un film, elle rejoint au froid son futur contenu.
Il ne faut pas m’arrêter en si bonne voie ! Préparons le moule pour demain..
Ses deux flancs sont vite découverts, avec leurs deux axes de charnière. Mais pas le fond !
Je cherche, cherche, appelle la maîtresse de maison experte en rangements à la rescousse. Nous explorons les placards, nous nous agenouillons pour investiguer les dessous du plan de travail, escaladons la face ouest du réfrigérateur afin de voir si la terrine à baeckeoffe ou la poissonnière qui trônent à son sommet ne cacheraient pas le disparu. Que nenni… Nous déplaçons l’escabeau et vidons l’étagère sur laquelle étaient perchés les deux éléments retrouvés pour vérifier si un disque rond - au fait, j’ai du mal à le visualiser, ce fond ; sans doute des mêmes couleurs que les côtés, mais lisse ou non, je ne sais plus… - ne se trouve pas coincé entre deux moules à manqué ou sous l’amas de petits ustensiles qui  emplissent le wok. Rien, toujours rien.  Il faut remettre en place. Et revenir à terre.
Pose réflexion.. Où aurions-nous dû le caser logiquement ? Mais toutes les hypothèses ont été vérifiées. Peut-être pas ? Retour à quatre pattes pour sortir  toutes les verrines, terrines et ferrines du placard. Rien dedans, rien dehors…
Bon, y a pas à tergiverser, la logique mène désormais à la conclusion que ce fond fut rangé, si l’on peut dire, en un endroit illogique. Je commence à émettre quelques commentaires sur le fonctionnement des cerveaux féminins qui me semblent mal appréciés par ma compagne chercheuse.
Elle m’aide cependant à prospecter tous les endroits où ce fond n’a aucune raison d’être.
La démarche s’avère être un mélange de tours de Hanoï, de poupées gigognes et de puzzle 3D. Mais mon épouse ne trouve pas ça ludique, je suis taxé de bordélisme, je réplique en évoquant la psychorigidité. Bref, nous sommes au bord du divorce…
Épuisés, nous décidons d’interrompre les recherches et de reporter les démarches de séparation à plus tard. Qui sait, peut-être que la sérénité sera de retour quand le fond du moule sera enfin trouvé ?
Je me couche et ai du mal à m’endormir, perplexe sur cette disparition, et à la recherche d’un plan B afin de pallier ce manque. Je ferme les yeux espérant qu’un dieu de la cuisine viendra m’insuffler miraculeusement le chemin vers ce disque fugitif…

23 décembre.

Ben non, le petit dieu informateur  n’est pas passé me voir…
Je n’ai pas le courage de réitérer les recherches, il me semble avoir tout passé au peigne fin. Aussi je décroche le téléphone et appelle la boutique locale spécialisée en matériel de cuisine pour professionnels et particuliers :
« Allo, avez-vous en rayon un moule à  pâté rond à charnière ?
-Ah non, il faut le commander ! »

Je ne suis qu’à moitié étonné, ne trouvant jamais mon bonheur dans ce magasin… Il n’en reste pas moins qu’il me faut déclencher le plan B. Ce plan, c’est d’utiliser les flancs du moule comme un cercle posé sur une plaque couverte d’une feuille de papier siliconé. Et alors, le déclic. Mais oui, bien sûr !
Je consulte mes archives de 2013. C’est bien ça. Ce moule n’a jamais eu de fond !


Moule sur moule 2013
Je tente auprès de ma compagne un timide :
« Après tout, ce n’est pas plus mal d’avoir cherché… Ça nous a permis de récapituler… »
Je m’interromps devant le regard noir qu’elle me lance et me dépêche de passer au montage du pâté.
J’avais retenu l’astuce donnée par un contributeur compétent sur le forum où je sévissais naguère : préformer la pâte sur un relief de la taille approximative de l’intérieur du moule avant de l’introduire. C'est le moment de passer à l’application de cette méthode. Il me semble avoir trouvé un récipient en terre qui, renversé, sera apte à cet usage. Las, sortie du réfrigérateur, la pâte est friable et cassante. Un peu échauffée, elle devient plus modelable, mais se fissure un peu  partout. Je me résous à étendre une forme grossière à l’intérieur du moule et de la plaquer contre les parois à l’aide du bout du rouleau à pâtisserie en rustinant tant bien que mal les fissures apparues.
Je commence à comprendre pourquoi il y avait écrit  dans la recette source qu’après le montage il fallait laissez reposer 24h au frais, puis démouler, enrobez de papier sulfurisé et ficeler en cerclant. Mais c’est trop tard, et je n’ai pas la place pour loger le pâté sur son support dans le réfrigérateur.
Alors je continue, introduit la farce de veau puis le foie d’oie parsemé de tranches de truffe, dépose par-dessus le tout une couche couvrante de veau et coiffe d’un couvercle de cette pâte qui fond dans les mains quand on essaye de la modeler. Un peu de dorure…


pâté du Maréchal de Contades
C'est le fond qui manque le moins
Et hop, au four. À 200°C pendant une cinquantaine de minutes. Pour la suite à 140°C je compte sur la sonde pour savoir quand les 57°C seront atteints à cœur. Mais voilà, les malheurs continuent, je m’aperçois qu’une fois la sonde plantée, la hauteur est trop grande pour le four ; qu’à cela ne tienne, je sortirai régulièrement le pâté afin de vérifier la température atteinte, ce sera simplement plus fastidieux.
Ainsi fais-je. Je plante la sonde après la première sortie.  Même pas 50°C au centre… J’attends donc une dizaine de minutes, revérifie. Et là l’affichage monte allégrement : 55, 60, 65°C,  on se dirige vers les 70°C. Je préfère ne pas savoir ! De toute façon, ce qui est fait est fait, simplement le pâté ne retournera pas au four que j’éteins aussitôt. Et dire que dans la recette le pâté du Maréchal poursuivait 20 minutes à 150°C… Ne nous fions pas à ce qui est écrit !
Il ne reste plus qu’à réserver au frais ce chef-d’œuvre - glissé depuis son support de cuisson sur une assiette, le pâté trouvera enfin sa place dans le réfrigérateur avant de le démouler le lendemain et de combler les vides avec de la gelée…


Il me faut maintenant m’atteler à une autre tâche : je viens de recevoir un chapon cendré du Gers.

chapon, cendré du Gers
Belle plume, n'est-ce pas ?

Il est simplement effilé. Il me faut donc l’habiller. J’ai déjà fait ça l’année dernière pour un chapon gascon, aussi je me lance sans trop d’anxiété dans cette opération. Plumé, débarrassé de ses ailerons et de ses pattes (en utilisant le couperet redécouvert la veille après une longue disparition, pour moi une première car jusqu’alors en son absence je tranchais avec un couteau à l’articulation), flambé, vidé, il est devenu prêt à cuire.

chapon
Champ opératoire
Je le réserve au frais dans un torchon. Il en sortira le 25 décembre.
Ouf, j’en ai terminé pour la journée…


24 décembre.

Je commence par démouler de tôt matin le pâté maréchalesque. Dieu merci, ne se produit pas l’écroulement que je craignais . Mais un éclat dans un coin inférieur me fait présager une fuite à l’introduction de la gelée dont j’ai pourtant attendu prudemment la baisse de température vers les 30°C. Je tente de boucher cette fissure provisoirement pendant le temps de prise de la gelée avec un lutage avec une petite boule d’une pâte de farine et d’eau. Autant appliquer un cataplasme sur une jambe de bois, le trou est trop grand et le bouchon se délite… J’entreprends une autre manœuvre : je pose le pâté sur une plaque froide sortie du congélateur afin de provoquer une prise rapide de la gelée à la base. Dans un premier temps, la tactique semble avoir fonctionné. Il n'y a plus d’écoulement apparent… Je continue donc à verser de la gelée et transfère rapidement au réfrigérateur pour achever la prise. Dix minutes après je vérifie le résultat. Horreur ! La gelée s’est répandue  à ras bord dans l’assiette, que je cogne contre une boîte en la sortant : le quart  du liquide poisseux se retrouve sur le carrelage de la cuisine. Je remets le pâté au frais le temps de sortir la serpillère et de nettoyer le sol collant. Je ressors le pâté, le liquide est devenu visqueux, ce qui me donne de l'espoir. Je repose une rustine et entreprends un nouveau remplissage. Las, un quart d’heure plus tard, le pâté était toujours fuyant. Ce qui, on en conviendra, est la honte pour un Maréchal..
Enfin, après une heure d’un combat acharné, je réussis à maîtriser la situation. Le Maréchal a fait prisonnière la gelée ! Il peut retrouver sa place . Pour en sortir demain.


Mais ce soir, le thème du repas sera un NOËL CANADIEN

Le plat principal consistera en une tourtière du Lac Saint-Jean.
Mais avant de passer à sa réalisation, je commence par le dessert : un Pouding chômeur, spécialité traditionnelle du Québec.
J’ai retenu le recette suivante extraite du blog Papilles & Pupilles
https://www.papillesetpupilles.fr/2015/02/pouding-chomeur.html/

Pour le gâteau :
225 g de farine
1 sachet de levure chimique
60 g de beurre
200 g de cassonade
1 oeuf
250 ml de lait

Pour la sauce :
200 ml de sirop d’érable
75 g  de cassonade
200 ml d’eau
60 g de beurre légèrement fondu


Préchauffez le four à 180 °C.
Versez la levure chimique dans la farine, mélangez.
Mettez dans un saladier le beurre et le sucre. Fouettez puis, une fois que le mélange est crémeux, ajoutez l’oeuf.  Ajoutez ensuite en alternance la farine et le lait (un peu de farine, un peu de lait, mélangez et continuez jusqu’à épuisement des ingrédients).
Versez cette préparation dans un moule à gâteau.
Dans une casserole, versez tous les ingrédients de la sauce. Portez à ébullition. Mélangez.
Laissez refroidir 5 minutes puis versez sur le gâteau. Ne mélangez pas.
Déposez le gâteau au four et laissez cuire 40 minutes. Pour vérifier la bonne cuisson, enfoncez la lame d’un couteau dans le gâteau, elle doit ressortir sèche.


Comme cassonade, j’ai utilisé de la (vraie) vergeoise que j'avais en réserve…
Pour la première fournée, le moule était plein à ras bord, et bien entendu débordement puis nettoyage du four avant de reprendre une seconde fournée dans un moule plus grand - en effet le premier chômeur s’était vu brisé dans une tentative de démoulage malencontreuse…

pouding du chômeur
Chômeur brisé
Nous nous sommes bien gardés de retourner ce nouveau chômeur pour l’extraire de sa situation : il y aura un service à l’assiette.

pouding du chômeur
Chômeur en pleine forme

Pendant cette seconde cuisson il était grand temps pour moi de commencer la découpe de la viande destinée à la tourtière.
Ma recette pour cette tourtière du Lac Saint-Jean sera un mix du résultat de mes diverses lectures sur ce sujet.
Vont être tranchés en petits cubes 600g de viande de bœuf, 600g de viande de porc, ainsi que, l’orignal étant difficile à trouver près de chez moi (peut-être à Thoiry, mais la chasse ne doit pas y être ouverte) 300g de viande de chevreuil et 300g de viande de biche.
Puis j’attaque environ un kilo de pommes de terre, des Samba du jardin, formatées à l’unisson sur une planche qui, elle, ne chôme pas.
Dans une bassine, je mélange la viande avec trois oignons tranchés, deux gousses d’ail hachées, de la cannelle, du clou de girofle écrasé au mortier, de la râpure de muscade et plusieurs tours de moulin de poivre noir. Je réserve quelques heures au frais. Les pommes de terre sont plongées dans de l’eau glacée.

Profitons de ce répit pour préparer deux appareils à glace, l’un (1 litre) à la chicorée (grains de chicorée infusés dans le lait utilisé pur la préparation de la crème anglaise qui sera mélangée à de la crème fraîche), l’autre destiné à l’insert  (1/2 litre) à la cannelle parfumé avec deux bâtons de cette épice...
Cet insert, parlons-en !  Le moule principal est une tentative de figuration assez laide de morceau de bois par une tôle emboutie revêtue d’une couche anti-adhésive, achat effectué jadis dans l’urgence chez y a qu'ça en stock et qu’il faut bien quand-même de temps à autre tenter de rentabiliser… Et il n’y a rien a priori dans la cuisine d’utilisable pour mouler une forme apte à s’y insérer convenablement..
J’appelle la boutique locale spécialisée en matériel de cuisine pour professionnels et particuliers :
« Allo, avez-vous en rayon des moules pour insert dans une bûche ?
-Ah non, il faut le commander ! »

Je commence à me demander si je ne suis pas connecté à un répondeur automatique…
Toujours est-il qu’il me faut improviser. Heureusement je découvre qu’un moule à bûche demi-cylindrique est à peu de chose près de la bonne longueur. C’est lui que j’emplis en premier de la glace à la cannelle sortie de la turbine. Il est aussitôt  entreposé dans le congélateur réglé en super frost afin d’obtenir un barre bien dure. Le faux tronçon de bois en ferraille s'emplit une demi-heure plus tard de la première tournée de glace à la chicorée jusqu’à mi-hauteur. Y enfoncer l’insert n’est pas chose aisée, mais cet objectif finit par être atteint. J’espère simplement qu’il ne subsiste pas de poches d’air…
Pendant le turbinage du reste d’appareil, il faut ranger la bûche. Aïe aïe aïe, il n’y a pas la place dans le congélateur. Et c’est reparti pour le puzzle 3D ! Une partie de la glace est renversée dans le tiroir pendant les grandes manœuvre, il faudra nettoyer. Mais pas tout de suite. Un peu plus tard, le moule est ressorti afin de combler le vide restant avec la deuxième tournée. Ce n’est pas chose aisée. Mais l’objectif est atteint : la bûche glacée sera là demain. Il ne restera plus qu’à achever la présentation.

Et c’est reparti pour la tourtière. Je fonce un moule à tarte Tatin choisi pour son contour plat facilitant la soudure acheté en catastrophe la veille sur Internet (pas possible dans la boutique il faut le commander..) parvenu le matin même - un miracle de Noël ! - avec une pâte brisée façonnée par ma collaboratrice. J’alterne une couche de viande(s),

tourtiere
...et une couche de viande
une couche de pomme de terre,

tourtière
...et une couche de pomme de terre
une deuxième couche de viande, une deuxième couche de pomme de terre et une couche finale de viande. Sur chaque couche, sel et poivre rouge moulu. Je recouvre de pâte brisée étalée pas trop finement, colle les deux surfaces mouillées à cet effet, découpe au couteau en suivant la bordure du moule , pince pour assurer une bonne fermeture. Je badigeonne de jaune d’œuf délayé, perce un trou central. Je verse  par cet orifice avec l’aide d’un entonnoir qui s’est révélé rapidement peu fonctionnel et superflu pour cet usage deux verres d’un bouillon de bœuf préparé en début de matinée et mis à refroidir.

tourtière du lac Saint-Jean
Beau dôme
J’enferme dans du papier d’alu et enfourne pendant une heure à 220°C.
Je sors la tourtière, la découvre, refais le plein de bouillon, emballe à nouveau de papier d’alu, renfourne, mais cette fois ce sera pour  environ six heures à 120°C, avec une pause à mi-cuisson afin de vérifier le niveau et  lui refaire une beauté par une nouvelle couche de jaune d’œuf. Remise dans son carcan d’alu, elle en sera extraite une vingtaine de minutes avant la sortie du four afin de parfaire la coloration, puis reposera une demi-heure avant d’être servie. Il est quinze heure. Ça devrait être bon pour le timing !

Il me faut maintenant éplucher les navets arrivés tout juste du jardin et destinés à accompagner cette tourtière : des marteaux et des boules d’or. Une fois parés, je les réserve ans de l’eau salée glacée.


L’heure du repas est enfin arrivée.
La maîtresse de maison a joué le grand jeu. Nappe blanche et pliage festif des serviettes !

pliage serviette
Sapin blanc sur assiette blanche sur nappe blanche

En entrée, un foie d’oie mi-cuit d’un artisan  alsacien acheté au Salon des Coqs d’Or.

Alsace, foie gras d'oie
Il vient d'Alsace
Pas très canadien, me direz-vous.. Cependant l’oie est une bestiole courante (et volante) chez nos amis Québécois. Alors, bof… Je le sers avec un chutney de pruneau fort agréable en contrepoint.
Dans les verres, un Maury ambré dégageant moult fragrances...

Pendant ce temps la tourtière du Lac Saint-Jean dénudée et bronzée s’est langoureusement reposée,

tourtière du lac
Dôme redoré
me regardant finir le glaçage des navets que j’avais commencé en fin d’après-midi après les avoir blanchis cinq minutes dans de l’eau bouillante salée. Ils s’étaient  roulés sur la poêle dans cinq millimètres d’eau additionnée de sel, de sucre et de beurre et vite évaporée. Il reste juste assez de liquide pour remettre en température et achever la cuisson.

navets glacés
Mes navets

Échaudé par la mésaventure du gâteau, j’ai décidé de ne pas tenter le diable et de poser simplement la tourtière du Lac Saint-Jean jouxtée du plat de duo de navets au centre de la table pour y procéder au partage dans le plat sans démoulage hasardeux.

tourtière, Canada
Elle vient du four
Il semble d’ailleurs que ce soit une pratique courante pour servir ce plat.
Accompagné d’un excellent vin rouge libanais, un Wardy Château Les Cèdres 2009, c’était un régal avec sa note gustative de gibier.

Je n’ai pas réussi hélas à me procurer du fromage canadien, pourtant parfois fort bon, alors nous nous en sommes consolés en attaquant les fromages variés d’une cagette de la maison Beillevaire.

C’était enfin le moment d’attaquer le dessert, servi à l’assiette arrosé d’un trait de sirop d’érable.

pouding du chômeur, Canada
Un beau chômeur
Eh bien, contrairement à mes craintes, il n’avait rien d’écœurant, car dégageant plus un goût de caramel que de sucre. Même moi qui suis tout sauf un (Qué)bec sucré, j’ai apprécié ce pouding du chômeur ! C’est dire. Et le champagne Moët & Chandon 2008 recommandé par le caviste pour ce dessert a supporté sans sourciller cette proximité.
Quant à moi, j’étais soulagé après le déroulement convenable de ce repas.
Tout en me demandant si tout se passerai aussi bien le lendemain…

25 décembre.

Début de matinée, corvée d’épluchage : navet, carottes qui vont aller dans une grande marmite avec un poireau, une branche de céleri, un oignon clouté, du persil, une feuille de laurier, une branche de thym, du poivre long, du poivre de Voatsiperifery et être recouverts d’eau froide. Je porte à ébullition et laisse sur le feu une quinzaine de minutes.
Après avoir salé le bouillon ainsi obtenu, j’y plonge mon chapon qui y séjourne à petits frémissements une trentaine de minutes.

chapon
Sous le couvercle en verre...
Je sors la bête et la dépose sur une plaque à débarrasser.

chapon
Sortie de bain

Pendant qu’elle refroidit dans son coin, je mets à tremper des champignons séchés dans un peu d’eau tiède, d’une part des cèpes, d’autre part des morilles.
En effet j’ai décidé cette année d’une préparation simple pour le chapon : j’introduis dans son coffre assaisonné de sel fin et de poivre rouge non pas une farce élaborée, mais les cèpes réhydratés, trois échalotes que je viens de tailler grossièrement, deux quignons de pain frottés à l’ail et une petite branche d’estragon. Puis j’empale le chapon (décidément sa vie ne fut pas un long fleuve tranquille...)  sur mon support vertical à poulets. Vérification faîte, ça entre dans le four, même si le sommet frôle le grill qu’heureusement je n’utiliserai pas.
Je porte ce four à 230°C et y enfourne la bête assaisonnée. Au bout d’une demi-heure, je baisse le four à 150°C pour deux heures. Je l’arroserai régulièrement avec le jus écoulé au fond du plat dans lequel j’ai versé l’eau de trempage des cèpes. Puis je laisserai reposer le chapon rôti au four à 60°C jusqu’au moment de le découper pour le servir.
Premier arrosage : le tube de métal de la poire se détache, tout le jus prélevé va s’étaler sur le sol. La serpillère doit reprendre du service. Qui c’est qui a mal inséré ? Suivez mon regard.
« Eh, dis, tu n’avais qu’à vider toi-même le lave-vaisselle ! »
Je sens que mon couple rebat de l’aile…
Dieu soit loué, la suite se poursuit sans incidents.

La fin de matinée approche, il est  grand temps d’éplucher les deux variétés de pomme de terre, des Samba et des Highland Burgundy, qui s’affronteront côte à côte dans des écrasées destinées à accompagner le chapon rôti.
Je verse à la louche le bouillon de cuisson du chapon dans deux casseroles. J’y plonge les pommes de terre, ajoutant l’eau de trempage des morilles pour les blanches, et une branche d’estragon pour les colorées . Vingt minutes plus  tard je les sors et les écrase dans des bassines avec un presse-purée.  Je les brasse avec des grosses noix de beurre.  Pour l’une -les Samba-, j’ajoute les morilles, pour l’autre des feuilles d’estragon. Je réserve au bain-marie.


L’heure du repas est arrivée…
J’apporte sur la table, en compagnie du reste de la bouteille de Maury appréciée la veille, le Maréchal de Contades qui tente de camoufler ses imperfections derrière des buissons de cresson.

pâté, foie gras,oie, Alsace
Bien que fêlé...
Je tremble au moment d’en extraire la première tranche… Katastrophe ou pas ?
Ouf, ça ne s’est pas trop mal passé …

pâté de foie gras d'oie
Truffé
Dans les assiettes, ce Maréchal aurait presque l’air convenable.

foie gras, oie, truffe
Sous mes yeux
Il n’en reste pas moins que je ne reprendrai pas cette recette de fonçage. Car, en dehors des problèmes de structure, le goût rustique du saindoux - que pourtant j’apprécie  habituellement – écrase les saveurs discrètes et raffinées du foie d’oie.

C’est l’instant de découper le chapon cendré du Gers rôti.
Madame s’en charge, pendant que je m’occupe de dresser le duo d'écrasées de pommes de terre. Elle trouve l’animal trop cuit. Je prétends qu’il est à point, je lui fais admirer la peau croustillante, fait remarquer que la chair n’est absolument pas desséchée.
 « Oui mais il est trop cuit »
Je sens la rupture se rapprocher à nouveau dangereusement.
Nous apportons malgré tout la succession du Maréchal avec des visages souriants.

chapon, Gers
Comment la cendre se transforme en or

écrasée, pomme de terre, Samba, Highland Burgundy
Garanti sans colorant
Tout le monde se dispute les lambeaux de peaux dorée. Je suis dans le vrai : le plat est réussi, je viens de créer le chapon laqué sans laque.
Je lève mon verre de Fixin à la gloire de tous les chapons morts pour Noël ! Celui-ci ne sera pas mort pour rien, n’en déplaise à Madame.

L’unanimité, repue, décide de zapper le fromage.

Ça ne m’arrange pas, car il me faut rapidement finaliser la bûche glacée. D’abord la démouler.
Mais voilà, le moule n’et pas vraiment antiadhésif… J’ai beau taper, rien ne sort. À vrai dire, je ne suis pas étonné, j’avais prévu l’utilisation du chalumeau pour balayer la surface extérieure de la tôle, il est déjà sur le plan de travail. Je parcours le moule come un soudeur fou, mais rien n’y fait.  Je décide alors de poser deux ou trois minutes la bûche au fond de l’évier obturé où j’ai fait couler de l’eau chaude. Sans résultat… Je réitère la méthode du chalumeau. En vain… J’insiste, et enfin, hourrah, la bûche de glace se décroche et vient reposer sur un support d’inox dont je la fais glisser à l’aide d’une spatule sur le plat de service en faïence.
Je saupoudre d’un nuage de poudre de cacao à travers un fin tamis et ajoute en décor deux bâtons de cannelle et trois étoiles de badiane.

bûche glacée, chicorée, cannelle
Elle a fini par se rendre
Oui, je sais, les esprits critique diront que ces étoiles n’ont rien à faire sur une glace aux parfums chicorée et badiane. À ceux-ci je répliquerai que l’arrivée d’un général de division à la table d’un maréchal n’a rien d’incongru.
Là encore, le stress avant la découpe : l’insert a-t-il fonctionné ? Eh bien oui.

buche glacée, Noël
Elle est très bonne
Le dosage de la chicorée est optimum, de même que celui de la cannelle dont je redoutais une présence trop grande. La crème donne à la glace une texture proche de celle de ces parfaits onctueux que je ne retrouve plus sur les tables des brasseries…


Finalement, malgré quelques péripéties, ces deux repas de Noël 2017 ne furent pas le désastre annoncé. Un miracle !

jeudi 21 décembre 2017

Quand il me reste du blé...

J’avais sous-estimé les capacités de gonflement du frekhe -ce blé vert grillé- quand je l'avais traité  façon risotto. Aussi me restait-il de quoi dresser deux bonnes parts pour cette préparation dont j’avais conservé le reste afin de le faire participer à un second repas.
Il me fallait donc trouver un accompagnement pour cet accompagnement…
De préférence avec une petite touche orientale ! La vue d’un petit sac de sumac dont je venais de renouveler ma provision m’a donné l’idée de réaliser des cuisses de poulet parfumées avec cette épice. Une rapide recherche m’a fait découvrir une recette palestinienne qui m’a semblé intéressante, le dajaj malhous.
Comme de multiples blogs la reprennent sans vergogne au mot près sans invoquer une source, et qu’il m’est impossible de savoir quel est le point de départ, je ne vais pas me fatiguer, me livrant au même copier-coller que ces blogueurs sans scrupules…

Ingrédients:
1 poulet coupé en morceaux ou une dizaine de pilons
3 à 4 oignons
Huile d'olive
Sel
Poivre
Curcuma
Cannelle
Paprika
Sumac


Préparation:
Émincez les oignons. Préparez un plat allant au four, déposez les oignons, arrosez d'un filet d'huile d'olive, déposez les morceaux de poulet, saupoudrez du mélange d'épices, mélangez le tout en malaxant pour faire adhérer les épices.
Couvrez avec une feuille de papier d'aluminium ou bien avec le couvercle si vous utilisez une cocotte.
Faites cuire au four à 200°C un peu plus d'une heure; retournez le poulet de temps en temps, à la fin de cuisson retirez le papier ou le couvercle, et faites rôtir une dizaine de minutes.


Pour ma part, j’ai effectué la première partie de la cuisson de mes deux cuisses de poulet dans une papillote, que j’ai ensuite vidée dans le plat pour le rôtissage final que j’ai dû interrompre au bout de sept minutes (il eut été préférable de placer les morceaux sans le jus).

poulet palestinien, sumac
Un lit d'oignon et d'épices

poulet palestinien, dadaj mahlous
...où le poulet se vautre

poulet palestinien
Et hop, dans la papillote !

dajaj mahlous
Libéré, délivré...


poulet palestinien, oignon, sumac
Dajaj mahlous = poulet palestinien

Le résultat était très savoureux, et heureusement j’avais su interrompre la caramélisation avant le passage à l’amertume. La cuisine, l’appartement, voire le pallier embaumaient le parfum des épices… Et dans l’assiette la sauce aux oignons fondus était agréablement acidulée par le sumac.