vendredi 7 février 2020

Envoyé spécial

Ce jour je change de peau : de diariste culinaire je me transforme en reporter dégustateur. L’exhibitionniste se mue en voyeur…
En effet mon infante puînée fête son cinquième anniversaire.

Elle a fixé elle-même les grandes lignes du repas : il devra comprendre un coquillage, des frites, et pour le gâteau ce sera soit marron, soit pomme - ou pourquoi pas les deux.
Ce sera effectivement les deux, car le prix de mon infiltration au sein de ces agapes sera la réalisation d’une tarte florentine aux pommes selon la recette alléchante du site La cuisine de Bernard.

https://www.lacuisinedebernard.com/2011/05/la-tarte-florentine-aux-pommes.html

Pas de difficulté particulière, sauf que ne disposant pas de cercle 22x5cm, il a fallu composer avec un moule à manqué de 24x7cm. Le côté positif, c’est que la hauteur permettait un aspect plus gâteau que tarte, en revanche j’ai dû me livrer à de savants (?) calculs pour ajuster les quantités, basés en ce qui concerne la garniture sur le rapport des volumes et en ce qui concerne la pâte sur le rapport des surfaces. Ce qui a conduit à des pesées un peu plus exotiques que des 200 g, 150 g ou 125 g ainsi qu’à un certain à peu près pour la quantité d’œufs… Quant au temps de cuisson, quelques minutes seront ajoutées. Au feeling…
Toujours est-il que le soir sortait du four un beau gâteau doré apte,en dépit de sa catégorie amateur, à être confronté dans l’open du lendemain au pro dopé aux marrons.

florentine aux pommes
Pas de marrons pour ma pomme




Bon, après ce flash-back, je puis maintenant entrer dans le vif du sujet.

Quand nous arrivons sur le lieu du festin, ma fille est en pleine préparation et, surprise, elle est assistée d’un commis de huit ans d’âge : l’infante aînée.
Sur le plan de travail, une ribambelle d’assiettes sur lesquelles sont étendues des rondelles de noix de coquilles Saint-Jacques.
« Elles sont extra-fraîches, le poissonnier me les a décoquillées ce matin...»
Aucun doute, leur blancheur nacrée immaculée et leur fermeté n’autorisent aucun doute. Par-dessus, la jeune assistante est en train de disposer en étoile des pétales de mangue. Puis elle verse au centre des assiettes une cuillerée de confit d’algue sortie d’un pot.
Suivent, dans un dressage à quatre mains, les taches rosâtres d’une sauce confectionnée à partir du corail des Saint-Jacques - « J'ai ajouté du corail d'oursin et du jus de citron vert...» - et les petites coulées prélevées de l’intérieur de fruits de la passion.
Le commis a mission de parsemer d’éclats de pistache - « Oh, pas autant, il n’en restera pas pour les dernières assiettes, et puis ça n’est pas un plat de pistaches à la coquille Saint-Jacques ! ». La jeune classe a compris, elle prélève l’excès et modère ses ardeurs.
Il s’agit maintenant d’assaisonner. Ma fille se charge du sel et surtout de la noix de Tonka qu’il faut râper avec une parcimonie dont on ne saurait être assuré de la part de l’infante de service. On lui délègue néanmoins les tours de moulin de poivre blanc de Penja. On a eu raison de lui faire confiance, même si elle s’est désolée d’un petit surplus local vite évacué dû plus au moulin qu’à son pilote.
Mission réussie aux cuisines.

coquilles Saint-Jacques, mangue
L'enfance de l'art ?


Le commis peut se métamorphoser en serveuse pour disposer les assiettes devant les convives.

Force m’est de constater que cette entrée est une réussite, fraîche et parfumée sans excès afin de préserver en bouche la saveur de la noix de Saint Jacques. La pointe d’acidité du fruit de la passion et la note croquante des pistaches font merveille pour l’équilibre de ce plat.

Il est temps maintenant de passe au plat principal. J’ai une idée sur sa nature, car j’ai aperçu une masse dorée à l’intérieur du four.

boeuf Wellington
Où l'on voit un observateur mettre les pieds dans le plat


« Je parie qu’il s’agit d’un bœuf Wellington.
-Gagné ! »
J’apprends par la même occasion que ma fille a dû se battre pour obtenir une pièce sans barde, simplement ficelée, qu’elle a pu saisir sur une poêle.
Après refroidissement, ce rôti a été débarrassé de sa ficelle et emmailloté dans une pâte feuilletée – commandée chez un pâtissier - doublée d’une duxelles de girolles, trompettes-de-la-mort, champignons de Paris et échalote. « J’ai fait attention de bien la dessécher et la laisser refroidir avant de l’étendre sur la pâte ! Mais là, il y a 35 minutes que j’ai enfourné, ça doit être cuit. Pourvu que le feuilleté ne soit pas ramolli et que la viande soit restée saignante à cœur ! »
Je reconnais bien là l’anxiété de ma fille et son manque d’assurance sur ses talents culinaires. Elle devrait pourtant commencer à être rassurée par de nombreux précédents repas réussis…
Et puisque maintenant un commis dévoué est à sa disposition…
D’ailleurs j’aperçois que le Wellington a bénéficié de moult ornementations : feuilles, étoiles, comète et cœur.

boeuf Wellington
On lui a décerné des étoiles


« C’est…
-Oui, c’est bien mon assistante qui l’a décoré ! »
Le bœuf Wellington vient s’allonger sur la planche qui l’amènera jusqu’à la table.

boeuf Wellington
Planche de contact


Sur la plaque à induction mijote la sauce : de la fourme d’Ambert fondant dans de la crème fraîche. Elle sera vigoureusement poivrée à sa sortie du feu (ou plutôt des rayons…)

sauce au bleu
L'Ambert du décor

.
Un deuxième commis entre en scène : mon gendre. Il est chargé de la cuisson des frites à l’extérieur, devant la porte-fenêtre de la cuisine. Elles ont déjà été blanchies et attendaient dans des saladiers. Il s’agit de frites classiques de pommes de terre, mais aussi de panais, de patates douces et de betteraves rouges.


Quelques minutes plus tard le bœuf Wellington est découpé sur la table.



boeuf Wellington
Qui veut la tête de Wellington ?


Une tranche est déposée sur chaque assiette. À ses côtés la maîtresse de maison ajoute une cuillerée de sauce au bleu et une poignée de frites diverses. C’est le héros (la hérose ?) de la fête qui doit être contente : elles sont là, ses frites, et même en couleur.

boeuf Wellington, frites, panais, betterave rouge, patate douce
Quand Wellington a la frite


Ma fille avait bien tort de s’inquiéter : pointe de feuilleté resté pâteux, une viande parfaitement cuite, goûteuse et tendre, une duxelles sentant bon le sous-bois : que du bonheur. Je n’émettrai qu’une critique : la sauce madère traditionnelle aurait beaucoup mieux fonctionné avec cette pièce rôtie qu’une sauce au bleu, trop grasse.

Pour suivre, le plateau de fromages, attaqué modérément par des convives déjà repus. Pourtant il était sympathique avec son saint-nectaire fait à point, son cendré de Niort ceint de sa feuille de châtaignier, son jeunot de cantal et sa tome à la truffe dont la saveur de haut goût faisait pardonner la fatuité.

Mais chacun sait qu’il faudra faire honneur au gâteau d’anniversaire - auX gâteauX d’anniversaire.
Je vois qu'ils viennent d’être déposés sur le plan de travail, en attente de bougies.
J'observe mon adversaire.

gâteau au marron, mousse d'agrumes
Le marron de service


Pas de doute, il ne fait pas le poids devant moi !


gâteau au marroh et mousse d'agrume, florentine aux pommes
Poids léger contre poids lourd


Ils arrivent sur la table, la jeune infante gonfle ses joues. Elle doit reprendre son souffle plusieurs fois avant que la dernière petite flamme ne vacille et ne soit remplacée par un brin de fumée vite disparu. Bravos de l’assistance...

Les parts atterrissent dans les assiettes à dessert : marron et pomme se voisinent. D’un côté, un excellent gâteau de pâtissier, mais où le marron semble singulièrement absent, une épaisse couche d’une crème dominatrice certes aérienne mais à la note d’agrume très marquée étouffant dans la bogue toute expression de la châtaigne ; de l’autre côté un gâteau un peu pépère mais aux saveurs plus subtiles qu’il n’y paraît, et pour lequel ma petite fille peut se réjouir de la présence caracolante de son fruit préféré.

assiette de desserts, florentine aux pommes
S'en payer de bonnes tranches


Quant à moi, c’est de croquer la couverture croustillante aux amandes que j’avais mise de côté pour la bonne bouche qui constitue le point final gourmand de ce repas, tout en levant ma flûte de champagne en l’honneur de la demi-décennaire.

vendredi 31 janvier 2020

Errance proche-orientale


Dans l’assiette, sur une feuille de salade du jardin :

-une chiffonnade de bastorma d’Arménie (mais préparé dans la région parisienne par la diaspora…)



-des tranches de fromage halloum de Chypre (quant à lui authentiquement cypriote)  passées sur le gril



-des pickles de concombres sauvages du Liban (préparés à côté la vallée de la Bekaa)



-un filet d’huile d’olive (d’Italie, certes, mais aux bonnes fragrance herbacées)
-une pincée de thym-zaatar (ouais, bien libanais)

Le tout a donné une sorte de plat-mezzé bien agréable.

bastorma, halloumi, concombre sauvage
Concombres-serpents carnivores


En dessert, un assortiment de pâtisseries  extraite d’une boîte concoctées par un excellent artisan du Liban :



bormas (roulés aux pistaches), assabih (doigts de Zénobie), boaj (aumônières), kol w chkor (mange et remercie), basma aux pistaches ou aux pignons et rectangles aux pistaches.

baklava
La ronde des desserts


Un délice ! Même pour les becs salés...

mardi 28 janvier 2020

De pie en pie

Le lendemain de mon Burns Night Supper, je reste encore scotché à la maison.
Les infantes sont de passage, et je pense que des petits pâtés seraient bien dans le registre de leurs goûts culinaires.
Au menu, donc Mini Steak and Gravy Pies et Mini Scotch Pies, compagnons de voyage du défunt (pas tout à fait, il y a un peu de reste…) haggis. Je les enfourne pour un quart d’heure à 160 °C.
À leur sortie, ils sont un peu pâlichons.

steak and gravy pie, scotch pie
Plateau des Highlands


En Écosse, on ne s’embarrasse pas de dorure à l’œuf…
Mais ils sont cependant fort bons, même s’ils n’atteignent pas le haut niveau charcutier des Melton Mowbray Pies à la savoureuse coque croustillante s’émiettant dans la bouche et à la goûteuse farce de porc découpé en petits morceaux liés par une gelée odoriférante.

Les Scotch Pies ne contiennent que du bœuf haché.

scotch pie
Coupe transversale suivant le diamètre


Les Steak and Gravy Pies renferment des dés de viande de bœuf baignant dans une sauce aux oignons un peu sucrée.
Mais des épices bien dosées relèvent le tout avec bonheur. Et, à mes yeux, c’est précisément cette simplicité qui fournit le charme discret (mais pas du tout de la bourgeoisie...) de ces pies. En mordant dedans, je m’imagine traînant dans des quartiers mal famés pendant l’époque victorienne, me réconfortant dans le brouillard frigorifiant par l’achat à un marchand ambulant de ces petits disques encore tièdes pour lesquels des silhouettes emmitouflées de guenilles font la queue en tapant du pied le pavé glacé de leurs galoches rapetassées..
Je suppose que les infantes n’ont pas la même approche, mais elles n’en font pas moins honneur aux pies déposées dans leurs assiettes.
En revanche la salade de roquette qui accompagne a nettement moins de succès...

Suit une tranche de Blue Stilton achetée au fromager local. Aucun doute, ce produit mérite bien son surnom de roi des fromages - à condition de savoir partager son titre sur d’autres territoires.

Arrive le dessert : un Cranachan.

cranachan
Qu'importe le flocon si l'on a l'ivresse


Dans chaque verre, un lit de flocons d’avoine caramélisés au four avec de la cassonade, une couche de coulis de framboise réalisé avec des framboises décongelées passées au tamis, deux cuillerées de miel fondu (sauf pour les enfants, !) dans du whisky, du Caol Ila Moch pour changer de celui choisi pour le trifle de la veille,



une bonne épaisseur de crème fouettée mélangée avec du yaourt grec (Mavrommatis), puis - bis repetita placent - encore les mêmes strates : flocons, coulis, miel whisky et crème fouettée. Pour terminer, un soupçon de flocons d’avoines et trois framboises fraîches.
Le constat est unanime : c’est un bon dessert, presque rafraîchissant. Mais force est de reconnaître qu’il n’est pas tout à fait de saison avec ses framboises…

Je n’en ai pas pour autant fini avec mes produits d’Outre-manche. Le jour suivant, je me déguise en Britannique moyen pour manger un saucisses haricots blancs sauce tomate.
Les saucisses sont des Pork Haggis And Herb Sausages.
Les haricots sont issus d’une boîte Heinz  Beanz qui traînait dans mon placard en attendant des jours meilleurs et qui doit se réjouir de ces retrouvailles entre compatriotes.



Assis devant mon assiette, j’ai l’impression de rentrer à la maison pour grailler la pitance concoctée par bobonne après ma journée de labeur dans un bureau de la Standard Life Aberdeen.

Heinz Beanz, Haggis and herbs sausages
Menu du jour


Du réconfort après la férule du petit chef…*

Les joies de la middle class !


*   Ceci est une fiction. Toute ressemblance avec la réalité de cette firme honorable choisie arbitrairement parmi tant d'autres ne saurait être que pure coïncidence, 


lundi 27 janvier 2020

Scotché à la maison

Au début de ce mois de janvier, la dégustation de saucisses hongroises aux abats m’a fait songer au haggis. J’ai alors pris conscience que la date de la Burns Night était proche.

Burns night supper


Cette année, je n’allais pas laisser passer cette occasion de rendre hommage à ce si délicieux  mets, le haggis !
J’organiserai un Burns Night Supper.


burnsnight



Le tout était de se procurer un tel produit frais en la nation de l’influenceur malfaisant Jacques Bodoin. Pas question de l’acheter en boîte, vous me voyez attaquer le fer-blanc avec ma dague pour la cérémonie ! Et s'il existe bien une boutique au cœur de Paris spécialiste des produits anglais introuvables ailleurs, les haggis pansus y sont hélas vendus surgelés.
À force de recherches, je finis par découvrir une boucherie d’Édimbourg qui livre en France à des tarifs plutôt corrects. J’y commande mon Chieftain Haggis, ainsi que divers autres produits scotchisants. Je peux choisir ma date de livraison : ce sera le 22 janvier, un peu avant la festivité.

En effet, le matin de la date prévue, le livreur d’UPS sonne à ma porte et dépose le colis posté la veille au soir en Écosse. Le haggis est là avec ses compagnons charcutiers, au milieu de poches réfrigérantes.

Le 23 janvier, une mise en jambes s'impose pour déjà se plonger dans l’atmosphère des Highlands (eh oui, j’ai une gueule d’atmosphère…). Je fais griller à la poêle sur une noix de saindoux les Award Winning Breakfast Pork Sausages que je détourne cependant de leur vocation matinale.

Breakfast pork sausage


Avec une salade verte, elles constituent un excellent repas, bien épicées qu’elles sont sous leur croûte caramélisée.

Le lendemain soir, que la fête commence !

En entrée, ce seront des scotch eggs - achetés en catastrophe chez Marks & Spencer pour remplacer la  Cullen skink, soupe au haddock primitivement prévue dont le principal ingrédient manquait à l'appel.

scotch egg


Pas vraiment de tradition, mais pas mauvais quand même.



L’heure est enfin venue de passer au cérémonial.

Je dépose sur le plat de service (désolé, il n’est pas en argent comme le voudrait la tradition) le haggis que j’avais sorti un peu plus d’une heure et demie auparavant du réfrigérateur, encore préservé par son emballage de plastique  sous vide

chieftain haggis


dont je l’ai débarrassé pour l’emmitoufler de papier d’alu puis l’enfourner à 160 °C, baignant dans 2 cm d’eau à renouveler régulièrement pour maintenir la hauteur d’immersion.


Normalement, ça devrait se dérouler ainsi (avec cependant des variantes de style suivant le lieu ou l'orateur...) :



Mais je n’ai pas de joueur de cornemuse sous la main. Quant à moi, pratiquer cet instrument, même pas en rêve ! Pas plus que je ne serais capable de retenir le texte de Robert Burns et de le déclamer, même en version française :

À un Haggis

Bénie soit votre honnête et attrayante face,
Grand chef de la race des puddings !
Au-dessus d’eux tous vous prenez place,
Panse, tripes ou boyaux :
Vous êtes bien digne d’un bénédicité
Aussi long que mon bras.

Voilà que vous remplissez le tranchoir qui gémit,
La croupe semblable à une montagne lointaine ;
Votre broche servirait à raccommoder un moulin
En cas de besoin,
Tandis que par vos pores coulent des gouttes
Semblables à des grains d’ambre.

Voyez le Travail rustique apprêter son couteau
Et vous couper avec dextérité,
Creusant vos belles entrailles ruisselantes,
Comme un fossé ;
Et alors, oh ! quelle vue glorieuse,
Une vapeur chaude et succulente !

Alors cuillers contre cuillers s’allongent et luttent,
Le diable emporte la dernière, ils poussent en avant,
Jusqu’à ce que leurs ventres tout gonflés bientôt,
Soient tendus comme des tambours ;
Alors le vieux maître de la maison, quasi près de crever,
Marmotte les grâces.

Est-il un homme qui devant son ragoût français,
Ou une olla qui donnerait une indigestion à une truie,
Ou une fricassée qui la ferait vomir
A force de dégoût,
Regarde d’un oeil moqueur et méprisant
Un pareil dîner ?

Pauvre diable ! voyez-le devant ses rogatons,
Et faible comme un roseau desséché ;
Sa jambe grêle est une vraie lanière de fouet,
Son poing une noix.
Lui, se jeter à travers la mêlée et le flot sanglant,
Il en est incapable !

Mais observez le paysan nourri de haggis,
La terre tremblante résonne sous son pas ;
Mettez une lame à son large poing,
Il la fera siffler,
Et il coupera jambes, bras et chefs,
Comme des têtes de chardons.

Ô vous, puissances, qui prenez soin des hommes
Et leur dressez leur menu,
La vieille Ecosse n’a pas besoin de fricot liquide
Qui rejaillit dans les écuelles ;
Mais, si vous souhaitez sa prière reconnaissante,
Donnez-lui un haggis !

(Traduction de Léon de Wailly)

Aussi je me contente de bredouiller une vague louange et de plonger mon tranche lard déguisé en rapière (je ne me souviens plus d'où j’ai pu ranger ce fucking Ka-Bar qui m’aurait pourtant donné fière allure quand je l’aurais brandi après l’avoir sorti de son fourreau…) dans la panse dodue dont la peau s’éclate, découvrant la farce odoriférante. Malheureusement (?), il ne reste aucune trace photographique de ce grandiose épisode, car il est extrêmement difficile de manier à la fois la lame et l’objectif, en tout cas plus que de réunir l’épée et le goupillon.

Ceci fait, je puis disposer à côté du haggis la purée crémée de pomme de terre et l’écrasée de rutabaga qui patientaient au bain-marie et parsemer de ciboulette ciselée.
Et voilà le travail :

haggis, neeps and tatties, burns night
Haggis, Neeps & Tatties

L'heure est maintenant au partage.

haggis


Succulentes, ces assiettes, surtout quand on alterne les bouchées avec un de mes whiskys écossais préféré.


whisky, rock oyster

.

Mais la cérémonie n’est pas finie. C’est le moment de passer au dessert.
Dans les verres faisant office de coupes, un Tipsy Laird Trifle (en français, un trifle du Lord pompette…).
Il est réalisé en suivant (à peu près…) une recette de l’excellente ressource que représente le blog Chez Becky et Liz pour l’amateur de cuisine britannique.

http://www.chezbeckyetliz.com/2015/01/tipsy-laird-trifle.html

Au fond, des morceaux de génoise (maison !), puis une couche de fruits rouges (de chez Picard…) décongelés dans du whisky, le même que celui accompagnant le haggis, une cuillerée de whisky pour faire bonne dose, une louche de crème anglaise réalisée dans la matinée, le tout coiffé de crème fouettée mélangée de miel (ici d’acacia, mais du miel de bruyère eut été plus approprié si j’en avais eu à disposition…).

trifle, tipsy laird


C’était une construction agréable, car pas trop sucrée.

Et comme il se doit, nous finissons par le fromage. Une part de Blacksticks Blue,

Blacksticks blue


un bleu plutôt crémeux qui mérite sa place sur un plateau, même en France.



Voilà, ce Burns Night Supper 2020 est clos.

Je songe déjà à la Version 2021


jeudi 23 janvier 2020

Mon jumeau

Mon jumeau est allongé sur la table. Je m’empare d’un couteau et m’approche..
Rassurez-vous, bien que né sous le signe des Gémeaux, je n’ai pas de frère jumeau, mi fa sol la mi ré, ré mi fa sol sol sol ré do. Il n’y aura pas de drame familial : il s’agit d’un jumeau de veau. Mais non, pas le frère, non, mais un morceau sorti de ce veau. De la cuisse, pour être plus précis. On ne sort pas toujours de la cuisse de Jupiter, parfois l’on sort de la cuisse d’un veau. La vie est ainsi faîte !
À côté, il y a aussi une queue. De veau elle aussi. Je n’ai pour le moment pas à m’occuper d’elle : elle a déjà été tronçonnée et ficelée par le boucher. En revanche, il me faut découper le jumeau en gros cubes.
C’est chose faite. Maintenant c’est un oignon paille et une carotte que je tranche, l’un en grosse brunoise, l’autre en rondelles d’un demi-centimètre d’épaisseur. J’épluche dans la foulée quatre gousses d’ail.
Pour continuer ma mise en place, je sors une feuille de laurier, une branche de thym, une autre de romarin, je dégoupille une boîte de tomates pelées San Marzanno dell Agro Sarnese Nocerino DOP qui traînait dans le placard et débouche une bouteille de Gros-Plant du Pays nantais. Enfin j’écrase au mortier sur une pincée de gros sel quatre baies de piment de la Jamaïque, une douzaine de grains de poivre blanc de Penja, sept grains de poivre de Voatsiperifery et deux clous de girofle en y ajoutant une cuillerée de paprika doux.
La mise en place est terminée, je pose une cocotte en fonte sur le feu, en recouvre le fond d’une cuillerée d’huile d’olive, et fais revenir les morceaux de veau assaisonnés jusqu’à coloration sur toutes les faces. Je réserve cette viande sur une plaque, baisse la flamme et fait suer le taillage d’oignon et de carotte parsemé de sel fin. J’ajoute les gousses d’ail, puis déglace avec un verre de vin blanc que je porte à ébullition. Se joue alors la grande scène : le jumeau et la queue, le retour. Ceci fait, je recouvre du contenu de la boîte de tomates, plonge les herbes et ajoute le contenu du mortier.

jumeau de veau, queue de veau
La queue pour les tomates


Je prévois de laisser la cocotte mijoter à feu doux durant environ trois quarts d’heure en retournant les morceaux de viande de temps à autre.
Aussitôt cette cuisson lancée, j’extrais cinq anchois salés de leur bocal.



Je les mets à dessaler pendant une demi-heure dans un petit bac empli d’eau glacée. Pendant ce temps j’épluche et partage en deux des topinambours que je réserve dans l’eau citronnée d’un bac.
Je taille des lardons dans un morceau de lard paysan d’Alsace et les fais sauter à sec jusqu’à ce qu’ils deviennent translucides au fond d’une poêle antiadhésive. Je réserve.

lard paysan d'Alsace
Un jumeau pour les lardons


Bon, les anchois devraient être maintenant dessalés. Il me faut les fileter.

anchois salés, Collioure
Pas de vice dans le filetage


Une fois cette opération effectuer, j’intègre ces filets d’anchois dans la cocotte, les déposant à la surface de la sauce qui a déjà bien réduit.

sauté de veau, anchois
Opération terre-mer


Il ne reste plus qu’une dizaine de minutes avant la fin de la cuisson du veau. Je plonge les topinambours dans l’eau bouillante salée et citronnée.

Il ne reste plus que cinq minutes avant la fin de la cuisson du veau. Je fais tomber les lardons dans la cocotte. Je donne un tour de moulin de poivre rouge et vivifie la sauce du jus d'un demi-citron.

queue deveau, jumeau de veau, anchois, lardons
Retour sur terre


Il ne reste plus que zéro minute avant la fin de la cuisson du veau.



Je sors de la cocotte le fagot de tronçons de queue pour le déposer au fond du plat de service où je le débarrasse de la ficelle qui l’entoure. Suivent les morceaux de jumeau qui ont bien rétréci, il faut l’avouer, mais c’est pour la bonne cause : ils ont dispensé leur gélatine et rendu la sauce onctueuse. Une sauce que je m’empresse de déverser sur le plat avant de le réserver au four à 60 °C, le temps que le légume accompagnateur soit prêt.

sauté de veau
Fin de cuisson


Instants que je mets à profit pour ciseler une poignée de feuilles de persil plat.

Ça y est le topinambour est à point, je l’ai vérifié à l’aide de la pointe d’un couteau. Je le transfère à l’aide d’une araignée dans un plat en porcelaine petit frère de celui qui contient le sauté de veau, le parsème du persil ciselé.

Il ne restera plus qu’amener le tout sur la table de la salle à manger

Topinambours




Sauté de veau décoré de caprons



et à panacher dans les assiettes la tendre facilité des morceaux de jumeau et la goûteuse complication des tronçons de queue de veau.

mercredi 22 janvier 2020

Carry-d'en-Terre




Une telle liesse festive, ça ne vous tente pas ?
Moi, pas tant que ça…
Du moins pas jusqu’à ce que je me sois approché et vu le contenu des assiettes.



Car nous sommes aux oursinades de Carry-le Rouet, où ces agapes traditionnelles (tu parles, depuis les années soixante…) attirent quelques Provençaux et beaucoup de pigeons.
Mais voilà, je suis tombé sur un reportage télévisuel (félicitations aux organisateurs pour l'efficacité de leur comm concernant ces rendez-vous de janvier et février !)  montrant ces orgies d’oursins, et la vision de ces assiettes pleines de piquants m’a alléché.

Pas question de me rendre là-bas, mais si je ne vais pas à l’oursinade, l’oursinade ira à moi. Oui, cette idée m’a trotté dans la tête, et plus elle est revenue, plus elle m’a… elle m’a… sacrebleu, c’est bien ma chance, on m'a refilé un verbe défectif, le seoir est tombé et il n’en reste que des morceaux ; mais ce n’est pas grave, je vais réparer ça, voilà c’est fait : plus cette idée est revenue, plus elle m’a sis !

Le lendemain, l’idée me sied toujours, et je me fais ma petite oursinade en solitaire (Madame n’est pas fan de la châtaigne de mer…), bien loin de la côte méditerranéenne, en pleine terre francilienne.
De toute façon, là-bas ou ici, ce sont les mêmes bêtes : elles arrivent tout droit de Galice (heureusement pour cette pauvre Méditerranée déjà suffisamment exploitée), et elles ont parcouru la même distance, 1500 km environ…

oursinade
Sur la table de Carry-d'en-Terre


Oui, vraiment, mon oursinade d’appartement est une réussite. J’ai bien l’intention d’en faire une tradition !

dimanche 19 janvier 2020

Austro-Hongrois, en pire....

L’histoire bégaie…

Encore des malgré-nous en Alsace !
Sous la férule d’un Empire Austro-Hongrois ressuscité de braves Knackwürste strasbourgeois se sont vus enrôlés de force dans le corps des Wiener Wûrstchen pour monter à l’assaut à côté des féroces Káposztával Töltött Paprika hongrois.

Káposztával Töltött Paprika, poivrons farcis, Hongrie, knacks
Paprikas farcis de choux à l'aigre doux, knackwurtzs


Mon palais fut incendié par ces Magyars sans pitié qui l’ont investi, piétinant au passage les betteraves rouges de mon jardin. En comparaison, en dépit de leur dotation en gaz raifort, nos Bas-Rhinois n’étaient que des enfants de chœur.
Rien de nouveau. Un précédent comparatif m’avait déjà poussé à rédiger ce constat :
La capsaïcine a battu la gluconasturtiine par KO !

De toute façon, j’aurais dû me méfier, considérons les blasons de l’Empire Austro-Hongrois : ce ne sont que sens interdits !