Je vais au marché, et une paysanne me propose des pêches de vignes, pas de celles vendues désormais par les marchands de primeurs ou les supermarchés, non, des vraies, celles que l’on cueillait sur l’arbre entre deux rangées de ceps, un peu aigrelettes et parfaites pour calmer la soif sous le dernier soleil d’automne.
Avoir la pêche |
J’en croque une, mordant dans la peau finement duveteuse, et retrouve des parfums oubliés.
Puis, de retour à la maison, je soulève le couvercle d’une vieille maie et découvre deux vieilles bouteilles d’eau-de-vie.
La première est une bouteille de mirabelle alsacienne de 1959, distillée à partir de prunes récoltées dans la famille.
Respecter l'étiquette ? |
Je la sors avec l’intention d’y goûter. Puis, au moment d’enlever le bouchon, j’arrête mon geste. Quelle déception si je n’y retrouvais pas les fragrances d’antan ! Et ne serait-ce pas sacrilège de mettre fin à cette retraite de six décennies dans le noir, loin de l’agitation du monde ?
Alors depuis cet instant je suis déchiré entre ma curiosité et la peur de l’irréparable…
Pour la seconde bouteille, une eau-de-vie distillée par mon grand-père en 1963 à partir des fruits du grand jardin de sa maison à Chilly-Mazarin, où la quiétude des planches de légumes – dont les ventrus choux quintal qui lui servaient à préparer la choucroute dans le tonneau de sa fabrication – et des pruniers, cerisiers, abricotiers, n’était troublée que par le survol des Constellations venant de décoller d’Orly, je ne me suis même pas posé la question open or not open.
Gnole de banlieue |
Cette pièce improbable d’une eau-de-vie banlieusarde contenant la sève d’un lieu si chargé de souvenir pour moi doit être conservée comme une relique.
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