dimanche 17 février 2019

Les navets sont cuits

J’ai commencé ma mise en place un peu plus d’une heure avant le repas : j’ai fait fondre un gros oignon haché dans du saindoux au fond de la cocotte en y ajoutant quelques baies de genièvre et grains de coriandre. J’ai débouché la bouteille de riesling et en ai prélevé un verre.
J’ai sorti les morceaux de lard demi-sel et de lard fumé paysan, les saucisses au cumin et les brotwurscht. D’excellentes charcuteries préparées par des artisans alsaciens. Je le sais avant même de les goûter, car les jours précédents je m’étais régalé de diverses saucisses (à tartiner, de foie, noire, de bière, au fromage) de la même provenance.
Puis j’ai ouvert au-dessus d’une passoire, afin d’en rincer le contenu, le sachet de süri rüawa, ce navet salé cousin de la choucroute qui devait fournir le reposoir et contrepoint de cette garniture porcine.
Je m’apprêtais à ouvrir le robinet purificateur quand je remarquai quelques corps étrangers au milieu des bâtonnets de navet. Je regardai de plus près : c’étaient des bouts de lardons. Je reniflai : ça sentait la bonne graisse, mais aussi le vin. Erreur fatale : j’avais acheté des navets déjà préparés !

N’avais plus qu’à changer mon fusil d’épaule.
N’avais qu’à pas me tromper.
N’avais pas d’autre solution que de différer la chauffe du navet cuit par autrui (vil usurpateur !).
N’avais donc pas le lit de navet pour cuire le lard et les saucisses.
N’avais plus qu’à cuire séparément pendant trois quarts d’heure le lard dans un vague bouillon improvisé.

Ce que je fis. Vingt minutes avant le service, les saucisses au cumin rejoignaient ces deux morceaux.
Me restaient dix minutes pour résoudre le dilemme : ajouter le verre de riesling à la préparation que j’allais réchauffer au sein de la cocotte, ou le boire. Je suis raisonnable, je me suis sacrifié en faveur du plat qui méritait bien ce petit regain d’acidité et de parfum.
Pendant que le süri rüawa mijotait doucement, j’ai fait dorer la paire de brotwurscht dans une poêle sur une noisette de saindoux.
Tout était prêt.

N’avais plus qu’à disposer sur un plat après avoir tranché le lard demi-sel en quatre et le lard fumé paysan en deux.

navets salés, Alsace, süri rüawa
N'avait plus qu'à se servir



N’avais plus qu’à poser à ma compagne la même question que nous avait susurrée d’un air cauteleux le patron d’un hôtel de La Petite-Pierre où nous étions attablés autour d’un civet de biche aux spätzle : « Alors, ça schmeckt ? »

La Petite-Pierre
Une Petite-Pierre dans mon jardin de souvenirs


Ben oui, ça schmecktait grave !

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