mardi 26 mars 2019

Diots aux légumes aux légumes

De bonnes âmes m’ont apporté de Savoie des saucisses locales, des pormoniers, ces diots intégrant des épinards et des poireaux. Ce qui ne me facilite pas la tâche rédactionnelle… Bon, je sais, dans pormonier, il y a porc. Mais à part ça ?
Que n’étaient-ce des diots ! On aurait pu écrire bien des choses en somme.

Gourmand : bon diot de bon diot, qu’il est bon ce diot !
Voltairien : si le diot n’existait pas, il faudrait l’inventer…
Philosophe : dans son tonneau, je ne crois pas que le diot gêne.
Clavierien : qu’est-ce que j’ai fait au bon diot ?
Rural : où qu’il se cache, l’diot du village ?
Accueillant : entrez dans la maison du bon diot, elle vous est ouverte.
Cornélien : il est le diot du peuple et celui des soldats.
Technicien : dois-je le remettre dans la cassette aux diots ?
Apeuré : ça me fait froid dans le diot…


Voilà à peu près ce que j’aurais dit si la saucisse fût autre.
Mais ce sont des pormoniers que je dois cuisiner, diot me pardonne…
Point de crozets, cette fois-ci. J’improvise une recette.
Je découpe les branches d’un céleri, je taille une gosse carotte en mirepoix. Je fais revenir les pormoniers au fond d’une poêle où j’ai fait fondre une noisette de beurre. J’ajoute carotte et céleri branche ainsi que deux gousses d’ail et une feuille de laurier. J’assaisonne d’une pincée de sel fin. Quand ces légumes ont sué, je verse de l’eau sur une hauteur de 1 cm environ. Je couvre et laisse à feu moyen durant dix minutes. Puis j’enlève le couvercle. Au bout d’une vingtaine de minutes, il ne reste presque plus de liquide. Je mélange deux petites cuillerées de maïzena dans un demi-verre de vin blanc - du gros-plant en l’occurrence - en évitant la formation de grumeaux. J’arrose les diots et leurs légumes avec cette potion (magique, je l’espère). Je laisse sur le feu encore cinq minutes.
Le plat de pormoniers est prêt. Il ne me reste plus qu’à le verser dans la porcelaine de service.

pormonier, diot, Savoie
Pormonier : le bon diot sans concession


Eh bien nous nous régalons, l’accord est parfait entre les saucisses et les légumes, le vin apporte une pointe d’acidité bienvenue, et le jus lié confère une rondeur de bon aloi.
Merci mon presque diot

dimanche 24 mars 2019

Halibut, ah l'est beau !

Beau, Mr Halibut, alias M. Flétan…
Mais je ne saurai jamais s’il fut tué avec toute la bienveillance humaniste qui s’impose, car il était déjà sous forme de filets quand je l’ai acheté. Alors je n’ai pas pu voir son sourire.



En tout cas j’ai soigné sa dernière demeure.
Embaumé à l’unilatérale et à l’huile d’olive, je l’ai allongé sur une immaculée porcelaine de Chauvigny avant de l’asperger respectueusement d'une ultime onction bouillante.
À ses côtés j’ai déposé de minces tranches de fenouil glacées au fond d’une poêle dans un verre d'eau additionné d’une pincée de sel, d’un soupçon de sucre et d’une grosse larme d’huile d’olive.
J’ai ajouté des pimientos del piquillo d’un rouge éclatant avant de terminer par des branches de céleri d’un vert tendre arrosées d’huile d’olive de Kalamata et de quelques gouttes de balsamique blanc puis parsemées de quelques grains de fleur de sel de l'île de Ré.

flétan, halibut, fenouil, pimentios, céleri-branche
Ci-gît Mr Halibut


vendredi 22 mars 2019

Hollandaise aux landaises

Elles méritaient bien cet hommage, une offrande de sauce hollandaise, ces belles asperges blanches des sables à la chair juteuse et nacrée.
Toujours des Landes comme les asperges vertes de la veille, mais d’un autre village, Vert - ce qui me fait regretter que dans un esprit d’harmonie mes virides turions n’eussent pas été cultivés au Blanc dans l’Indre. Je remarque toutefois la modération bien provinciale de ce Vert occitan qui ne tombe pas dans l’extrémisme francilien de Vert-le-Grand et Vert-le-Petit…

Mais revenons à nos moutons…

Mouton qui est tout d’abord un bœuf gras de Bazas dont un faux-filet est posé sur la poêle pour accompagner les asperges.

faux-filet, bazadaise
Faux-filet, vraie bazadaise


Moutons qui sont aussi quatre jaunes d’œuf que je plonge dans la cuve de mon vénérable Mycook pro 1.8 (pensez donc, il date de 2006 !)



avec 30 g d’eau, 20 g de vin blanc, 150 g de beurre, le jus d’un demi-citron et une pincée de sel.

sauce hollandaise, Mycook
Hollandaise déstructurée


Je laisse tourner l’appareil 12 minutes à la vitesse 3 et à la température de 60 °C.

sauce, Mycook
Roule, ma poule, ou plutôt roule, Mycook


Il en sort une sauce hollandaise parfaite, onctueuse à souhait. Ce qui confirme l’adage que c’est dans les vieux pots, fussent-ils motorisés, que l’on fait les meilleures soupes.
Enfin mes moutons-asperges plongés six minutes dans l’eau bouillante.

Tout s’est parfaitement enchaîné.
Les asperges sont allongées dans un plat sur un linge, la hollandaise a été versée dans une saucière


asperges, sauce hollandaise
Hollandaise toute en rondeur attaquée par des pointes d'asperges


et le faux-filet repose sur une planche.
Pour résumer, l’Occitanie est accueillie chez moi ! Avec en plus une belle hollandaise... C'est bien agréable.

mercredi 20 mars 2019

De l’influence de Nicéphore Niépce sur la cuisson des asperges.

Elles sont là, arrivées des Landes dans la matinée… De belles asperges vertes !
Je les écussonne, je les érige dans leur cage de cuisson.

asperges vertes, Landes
L'Adour en cage


Dans un bahut je porte à ébullition de l’eau dans laquelle j’ai jeté une poignée de gros sel et y plonge la prison d’inox enfermant ses captives pour quatre minutes, non pas montre en main (elle a autre chose à faire) mais minuteur sur frigo.
L’autre chose, c’est de photographier les fières têtes vertes droites dans leur botte (oui, je sais, l’image est hardie…) émergeant d’une mer tempétueuse.
Je me lance dans cette tâche, cherchant un angle de vue suffisamment expressif tout en évitant les vilains reflets et surtout les agressions de vapeur sur un Canon qui n’apprécie pas vraiment les champs de bataille où je l’emmène en première ligne.

asperges vertes
Quand ma cuisine fait des vagues


Or donc mon Canon mitraille, quand, soudain, achtung :
Bip, Bip, Bip, Bip, Bip, Bip, Bip, Bip, Bip, Bip, Bip, Bip…

Je cours déposer l’appareil photo en endroit sûr, j’appuie sur le bouton qui cloue le bec à l’alerteur de service, j’éteins la flamme sous le bahut, je m’empare d’une araignée qui me permet d’extraire les virides turions et les coucher au fond d’un plat qui se révèle de dimension miraculeusement adaptée.

asperges vertes
Les treize turions


Las ! Mes asperges ne sont pas aussi al dente que je l’aurais souhaité.
Tout ça à cause du temps perdu à évacuer le Canon en zone neutre.
Ah, si Nicéphore n’avait pas commencé…

table servie
La table servie (1829)


Bon, certes la texture n‘est pas optimale, mais la saveur y est, avec en plus l’accompagnement d’une bonne vinaigrette. Sa recette ? Eh bien une cuillerée de balsamique blanc dans laquelle j’ai fait fondre une pincée de sel fin avec quatre cuillerées d’une huile grecque de Kalamata, particulièrement fruitée.



Bref, un bon repas avec à côté des asperges sur la table quelques tranches de mortadelle pistachée achetées chez le traiteur italien des halles locales.

mortadelle, caprons
Elle est mortadelle

Et des caprons.

lundi 18 mars 2019

Charbonniers délocalisés

Les spaghetti alla carbonara étaient réalisés dans le respect de la recette traditionnelle.
Mais si les pâtes, des spaghetti alla chitarra, venaient d’Italie, il n’en était pas de même pour les autres ingrédients.
Si les lardons étaient bien taillés dans de la joue de cochon, il ne s’agissait pas de la guanciale transalpine, mais d’une sœur d’origine corse, la vuletta : joue de porc noir nourri de glands et de châtaignes salée, séchée, et affinée 18 mois. Autant dire que les arômes qui s’en dégageaient étaient somptueux…

vuletta
Joue


S’il y avait bien un bout de parmesan parmi ceux que j’ai râpés, les autres morceaux étaient découpés non dans du pecorino, mais dans mon reste de tomme de chèvre basque : j’avais échangé les brebis toscanes contre les biquettes pyrénéennes…
Les œufs, bios bien sûr, provenaient tout bêtement d’un élevage yvelinois. Ils firent leur possible pour se montrer à la hauteur de la tâche de reconstitution folkloculinaire qui leur était assignée en compagnie des autres ingrédients. Unis aux fromages sous la forme de trois œufs entiers et un jaune battus avec énergie, ils ont fourni une crème mousseuse que j’ai relevée de vigoureux tours de moulin de poivre noir - noir comme du charbon…

sauce , spaghetti carbonara
Jaune et noir



Dans le saladier, les spaghetti cuits al dente, les lardons découpés dans la vuletta arrosés de l’abondante graisse parfumée dégagée lors de leur passage dans une poêle brûlante, et enfin la mixture crémeuse.
Un bon brassage avec l’ajout d’une petite louchée d’eau de cuisson des pâtes, et il ne reste plus qu’à plonger la cuillère à spaghetti dévolue au transfert dans les assiettes.

spaghetti alla carbonara, vuletta, guanciale
Spaghetti alla carbonara délocalisés



Eh bien, oserai-je le dire, la vuletta est si puissante en goût que j’ai finalement eu la main trop lourde dans sa proportion.
Ah, ces Corses, il faut toujours s’en méfier…

vendredi 15 mars 2019

Lançons les pavés

Les poireaux déterrés du jardin dans la matinée ont été glacés, recouverts d’eau à hauteur au fond d’une poêle avec une pincée de sucre, une pincée de sel, une noix de beurre.
Un condiment aigre-doux a été préparé : 5 cuillerées de mélasse de grenade, 1 cuillerée de vinaigre balsamique traditionnel de Modène.


Il n’y a plus qu’à lancer les pavés.
Ce sont deux beaux morceaux de saumon écossais label rouge d’Écosse…
Cuisson à l’unilatérale côté peau sur un dé d’huile d’olive avec à la fin un coiffage de deux minutes de la poêle par un couvercle, puis un bref retournement d’une minute. Au dressage, une légère pluie de poudre de piment d'Espelette.

Les deux assiettes sont d’une simplicité biblique, mais se révèlent cependant fort gourmandes.


pavé de saumon, mélasse de genade, poireaux glacés
Le pavé et la grenade

jeudi 14 mars 2019

Climat au logis

Rien ne va plus.

Sur mon plateau de vendredi, j’ai repéré une huître qui avait pris la forme d’un boomerang.

huitres, boomerang
Le jour de l'ouverture


Interrogé sur sa motivation, le bivalve contrefait m’a répondu en bâillant que c’était une mesure de précaution. Ainsi, si l’on voulait le rejeter dans l’océan, il reviendrait à l’envoyeur - « Je n’ai aucune envie de replonger dans cette flotte polluée ! ». Je lui fis remarquer que son hypothèse me semblait fort peu probable, et que terminer arrosé de vinaigre à l’échalote ne valait pas mieux. Il n’a pas voulu en démordre. Il est vrai qu’avec un QI d’huître, on ne peut que s’ancrer dans les divagations. D’autant plus que cette huître n’était ni fine, ni claire. Un peu spéciale, seulement…


Rien ne va plus.

Pauvre planète avec son réchauffement climatique…
Il n’en est pour preuve que l’émigration de kangourous depuis une Australie de plus en plus aride vers notre beau pays encore préservé - mais pour combien de temps encore…?
Avec l’un d’eux, j’ai pu sauter un repas. Pourtant, ne pas me laisser m’asseoir devant une table abondamment garnie, ce n’était pas dans la poche.


saucisson de kangourou
Fier de sa race



Rien ne va plus.

Je suis de moins en moins climatosceptique.
En effet j’ai découvert un chou vert qui s’était caché sous une cape cramoisie, vraisemblablement pour se préserver des ardeurs excessives d’un soleil qui ne s’empêtre plus dans une couche d’ozone bien déchirée par nos soins.

chou vert et rouge
Bon chou Monsieur


Rectificatif :
Je me suis laissé entraîner vers des divagations pseudo-écologiques. Pour ce rouge, ne rendons pas à Hélios ce qui n’est pas à Hélios, et je n’ai pas l’intention de payer un premier accroc supposé à notre stratosphère : quand je l’ai déshabillé, Mr Chou m’a avoué que c’est par pure coquetterie qu’il avait revêtu cette tenue fort seyante, ce dont je lui en donne acte, et quand je fais la bombe, elle est rarement aérosol.

Ce qui ne m’empêchera pas toutefois de faire mon chou gras de ce légume après en avoir poursuivi l’effeuillage.

Embeurrée de chou mutant à ma façon :
Je fais fondre dans un gros morceau de beurre demi-sel un oignon paille haché en compagnie de lardons découpés dans un morceau de lard paysan du Haut-Rhin (vive cette synergie vendéo-alsacienne !). Je recouvre des feuilles du chou débarrassées de leurs plus grosses côtes et blanchies dans l’eau bouillante salée. Je termine par une feuille de laurier, une branche de thym, deux gousses d’ail et une bonne noix de beurre doux. Je coiffe d’un couvercle et laisse à feu doux une vingtaine de minutes. Je réserve sous vide.
Le surlendemain seulement, d’autres plats ayant été programmés entre-temps, je déverse l’embeurrée de chou dans une poêle et la réchauffe doucement en la parsemant de quelques noisettes de beurre qui parfumeront le chou de fragrances d’Isigny tout juste fondu, mais me servent aussi d’indicateurs de la température de la surface.
Pendant ce temps, des crépinettes achetées à mon éleveur de porc normand habituel dorent dans une autre poêle. Une fois cuites, je les dépose sur l’embeurrée.

À table !

embeurrée de chou, crépinette
Au bon beurre


Ben, finalement, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes…